Le président Barack Obama a annoncé lundi la nomination de l'ancien sénateur républicain Chuck Hagel au poste de secrétaire à la Défense au gouvernement du second mandat présidentiel qui débutera le 20 janvier. Comme l'exige la loi américaine relative aux hautes fonctions de l'Etat, M. Hagel devra passer à l'audition du Sénat qui pourrait le confirmer comme il pourrait le recaler alors que les néo-conservateurs et le lobby pro-israélien se sont déjà positionnés farouchement contre cette nomination. Si le chef de la Maison-Blanche avait évité une bataille certaine au Capitole en renonçant, en décembre dernier, à nommer l'ambassadrice aux Nations unies, Susan Rice, au poste de secrétaire d'Etat, il a choisi, cette fois-ci, de ne pas reculer et de s'engager à se battre pour faire accepter la candidature de Hagel. Selon les analystes, le choix porté par le président Obama sur Hagel pour diriger le Pentagone s'explique par le fait qu'il voit en lui un allié de confiance et de longue expérience ainsi que par son souci d'atténuer les profonds clivages partisans et d'obtenir, ainsi, des compromis sur plusieurs dossiers de la défense tels les compressions du budget de ce secteur qui a doublé depuis les attentats terroristes de 2001, ainsi que le programme des armes nucléaires stratégiques. Réputé pour son franc-parler et son indépendance d'opinion lorsqu'il siégeait à la commission sénatoriale des relations étrangères, l'ancien sénateur républicain, 66 ans, fait face à une offensive féroce déclenchée principalement par le puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis (AIPAC) pour tenter de saborder sa confirmation à la tête du Pentagone. Ses détracteurs lui reprochent d'avoir déclaré, il y a quelques années, que le lobby juif américain avait tendance à "intimider" les membres du Congrès, et l'accusent d'être un adversaire des intérêts d'Israël et un antisémite, et de ne pas être suffisamment engagé pour la sécurité d'Israël. Cet acharnement du lobby juif s'explique aussi par le fait que durant son mandat de sénateur de 1997 à 2009, Chuck Hagel était parmi quatre sénateurs ayant refusé de signer une lettre de soutien à Israël, comme il s'était opposé de signer en 2002, avec dix autres de ses collègues, une lettre du Congrès demandant à l'ex président George. W. Bush de ne pas rencontrer Yasser Arafat. Homme de conviction jusqu'à se mettre à dos, parfois, son propre parti, Hagel justifie ses positions par le fait d'avoir prêté serment à la constitution américaine et non à son parti. Face à cette levée de boucliers, ses défenseurs rappellent son bilan de membre de la Commission sénatoriale des affaires étrangères, où il avait voté pour 40 milliards de dollars d'aide militaire à Israël au cours de ses douze années de mandats d'élu. Sur le dossier iranien, ses adversaires lui en veulent aussi pour son opposition à une solution militaire et son soutien aux efforts pour amener l'Iran à la table des négociations, et d'avoir voté contre plusieurs projets de loi imposant des sanctions unilatérales des Etats-Unis contre l'Iran qu'il considère contre-productives. Selon le leader de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, la candidature de Hagel sera "traitée équitablement" lors de l'audition où il sera confronté, selon lui, "à de sérieuses questions sur ses prises de position sur l'Iran et Israël", mais il n'a pas précisé s'il était prêt à soutenir ou à s'opposer à son ancien collègue. Néanmoins, a-t-il ajouté, tout candidat à ce poste aussi sensible doit avoir "une totale compréhension des relations étroites entre les Etats-Unis et leur allié israélien, de la menace iranienne et de l'importance d'avoir une armée solide". Pour sa part, le redoutable sénateur républicain, Lindsay Graham, n'a pas hésité à aller jusqu'à avancer que Hagel pourrait être "le secrétaire à la Défense des plus antagonistes envers l'Etat d'Israël dans l'histoire des Etats-Unis". Mais selon plusieurs analystes, la confirmation par le Sénat de Chuck Hagel au poste de secrétaire à la Défense sera, certes, ardue mais fort probable. D'autant plus qu'il bénéficie d'un soutien de nombreux républicains et d'un réseau de partisans dont d'anciens secrétaires d'Etat, sénateurs et ambassadeurs ainsi que de l'ancien conseiller de George Bush père, Brent Scowcroft, et de l'ex conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski.