Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, qui a animé jeudi une conférence sur les perspectives de croissance en Algérie et dans le monde, a annoncé que le FMI procédera prochainementà la réalisation d'une étude sur le système financier et bancaire en Algérie, à la demande de la Banque centrale. La patronne du FMI a estimé que «l'économie algérienne est devenue très robuste mais demeure trop indépendante des revenus pétroliers et des dépenses publiques». Elle a précisé que les solides résultats financiers réalisés dans un contexte mondial de crise sont «le résultat d'une gestion macroéconomique avisée et une gestion prudente des réserves de change qui a permis au pays de surmonter les effets de la crise financière internationale». Elle a toutefois avancé que «s'il est capital que l'action publique soit présente pour assurer la croissance, il n'en demeure pas moins que l'économie algérienne reste très dépendante du secteur des hydrocarbures qui ne contribue pas assez à la création d'emplois», a-t-elle averti, expliquant que les hydrocarbures représentent 40% du PIB algérien, 98% des exportations mais seulement 2% de l'emploi évoquant à ce titre «un déséquilibre apparent qui nécessite une meilleure gestion des risques». De plus, selon elle, la dépendance de l'économie algérienne vis-à-vis des financements et des investissements publics mérite d'être traitée «ardûment». Mme Lagarde a souligné que «malgré un environnement extérieur difficile, la croissance devrait être de 3 à 3,5% durant les deux prochaines années», relativisant toutefois ce potentiel au vu des défis auxquels le pays est confronté. Pour elle, il est nécessaire «d'améliorer l'accès des jeunes au marché du travail à travers notamment l'accès à une formation adéquate». La lutte contre l'inflation est l'autre priorité à laquelle doit s'attaquer le gouvernement algérien, selon cette responsable qui estime que la conjonction de «l'inflation, estimée à 8,9% en 2012, et le chômage, qui a atteint 10% en 2011 avec un taux beaucoup plus important chez les jeunes, risque de compromettre la croissance». Pour juguler ce fléau, les autorités sont surtout appelées à «continuer de resserrer la politique monétaire et les dépenses courantes, notamment les augmentations de salaires, en assurant plus de transparence dans le circuit de distribution», a conseillé l'ancienne ministre française des Finances et du Commerce, jugeant qu'en tablant sur «une croissance inclusive qui protège les populations les plus vulnérables et qui soit largement partagée, l'Algérie a l'occasion de créer sa propre réussite», a fait savoir Mme Lagarde. Le crédit à la consommation La directrice générale du FMI indique qu'elle «n'est pas convaincue de la nécessité d'avoir un actionnariat partagé entre des investisseurs publics algériens et des investisseurs directs étrangers». «C'est une décision de souveraineté mais peu de pays maintiennent une règle de type 51/49 tous secteurs confondus», a-t-elle dit, ajoutant que le pays doit «mettre en œuvre des réformes structurelles, visant à améliorer le climat des affaires, à attirer les investissements directs étrangers, à développer le secteur financier». Interrogée sur le crédit à la consommation, la directrice du FMI explique que «toutes les formes de crédits sont acceptables dès lors qu'elles sont convenablement encadrées, supervisées et utilisées», toutefois, elle se dit «assez méfiante vis-à-vis du crédit à la consommation car c'est une catégorie de crédit qui peut être utilisée parfois sans mesure et sans égard pour la qualité des débiteurs». «Si nous recommandons que soit examinée l'utilisation éventuelle du crédit à la consommation, il faut l'accompagner par un encadrement très rigoureux avec une attention sur l'endettement et parfois le surendettement des consommateurs», a précisé la directrice du FMI. Une corrélation entre les niveaux de salaires et le gain de productivité La première responsable de l'institution financière multinationale a, d'autre part, recommandé aux autorités algériennes «de réorienter leur politique sociale pour que les populations les plus vulnérables puissent profiter d'un partage plus équitable de la richesse». Revenant à la question des augmentations salariales opérées récemment par le gouvernement, Mme Lagarde a tenu à préciser que le FMI n'a jamais suggéré de bloquer ces revalorisations mais a proposé «une corrélation entre les niveaux de salaires et le gain de productivité». Le débat animé à l'issue de la conférence présentée par Mme Lagarde était axé notamment autour des facilitations de l'acte d'investir et d'exporter, la lutte contre l'informel, l'accès des PME au marché financier et la réforme des statuts du FMI et du système financier international. En ce qui concerne la lutte contre l'informel, la patronne du FMI a préconisé une politique fiscale «plus souple». S'agissant de l'accès des PME au marché financier, elle a soutenu que les soucis de transparence et de traçabilité constituent les principales contraintes pour une introduction des petites entreprises en Bourse, d'autant plus que «certaines de ces entreprises opèrent dans l'informel». Elle a rappelé la disponibilité du Fonds pour «continuer à fournir des conseils de politique économique et de l'assistance technique en vue d'accroître la robustesse de l'économie algérienne». Les prêts consentis au FMI comptabilisés comme des réserves nationales Par ailleurs, Mme Lagarde a qualifié le partenariat entre le FMI et l'Algérie de fécond et de profond. Elle a affirmé qu'elle «n'est pas venue solliciter un deuxième prêt mais juste remercier les autorités algériennes pour le prêt accordé au FMI, et qui témoigne d'une bonne gestion des réserves de changes», a-t-elle confié lors de la conférence de presse. Elle a précisé que le prêt de cinq milliards de dollars accordé par l'Algérie au FMI sous forme de Droits de tirage spéciaux (DTS) «n'a pas été utilisé à ce jour», de même que pour les 460 milliards de dollars de prêts que le Fonds a pu collecter grâce à l'emprunt international qu'il a lancé depuis quelques années. Mme Lagarde a rappelé qu'«aujourd'hui, l'Algérie a remboursé l'intégralité des prêts qui lui avaient été consentis. Elle est aujourd'hui prêteuse au FMI. Elle a indiqué que les prêts consentis au FMI sont comptabilisés comme des réserves nationales.