Le pape François a axé vendredi son premier discours devant les diplomates au Vatican sur la lutte contre "la pauvreté matérielle et spirituelle" et le dialogue avec les autres religions, en particulier l'Islam. Devant les représentants de quelque 180 pays accrédités auprès du Saint-Siège, le premier pape argentin de l'histoire n'a pas prononcé une seule fois le mot guerre et ne s'est pas aventuré sur le terrain des conflits en cours, mais s'est défini "comme un constructeur de ponts". "Lutter contre la pauvreté soit matérielle, soit spirituelle; édifier la paix et construire des ponts. Ce sont comme les points de référence d'un chemin auquel je désire inviter à prendre part chacun des pays que vous représentez", a-t-il plaidé. Il a amicalement salué chacun des diplomates, prenant du temps pour chacun, regardant avec attention les cadeaux qu'ils apportaient ou bénissant des images pieuses. Des représentants de l'Afghanistan et de l'Arabie Saoudite, pays avec lesquels le Saint-Siège n'entretient pas de relations diplomatiques, étaient présents. Dans un discours très franciscain, le premier pape jésuite a fait référence à trois reprises au "Poverello" d'Assise: "Une des premières raisons pour lesquelles j'ai choisi mon nom est l'amour que François avait pour les pauvres". Il a invité les Etats à reconnaître "l'œuvre généreuse des chrétiens" engagés pour alléger la pauvreté matérielle. "J'ajoute une autre raison de mon nom. François d'Assise nous dit: travaillez pour construire la paix! Mais il n'y a pas de véritable paix sans vérité! La paix ne peut pas être véritable si chacun peut revendiquer toujours et seulement son droit personnel, sans avoir le souci en même temps du bien des autres", a-t-il insisté, fustigeant la "pauvreté spirituelle de nos jours, qui concerne gravement aussi les pays considérés comme plus riches". Il reprenait ainsi à son compte un thème cher à son prédécesseur, "le cher et vénéré Benoît XVI", qui condamnait régulièrement "la dictature du relativisme" dans les sociétés occidentales. Dix jours après son élection, François va le rencontrer samedi dans la résidence d'été de Castel Gandolfo, première rencontre historique entre deux papes, l'un émérite, l'autre en exercice. François a cité à une troisième reprise le Saint d'Assise dans un appel fort à la défense de la nature, plaidant pour "un profond respect pour toute la création, pour la sauvegarde de notre environnement, que trop souvent (...) nous exploitons avec avidité au détriment l'un de l'autre". Le pape argentin s'est défini comme un "constructeur de ponts", y compris en raison de ses "origines italiennes" qui lui ont appris "le dialogue entre les cultures". Parmi les liens à renforcer, il a cité "le dialogue entre les différentes religions". "Je pense surtout au dialogue avec l'Islam", et aussi "la rencontre avec les non-croyants", a-t-il précisé. L'université égyptienne d'Al-Azhar a envoyé récemment un communiqué de quatre lignes, dans lequel l'imam Ahmed Al-Tayyeb présente ses vœux au nouveau pape, souhaitant que soient partagées des "valeurs communes" et que s'ouvre une "époque positive". Le pontificat de Benoît XVI avait été marqué par la défiance des musulmans après le discours de Ratisbonne de 2006 où le pape allemand avait semblé assimiler violence et Islam. Quant au dialogue avec les non-croyants, il avait été encouragé par Benoît XVI dans les rencontres du "parvis des Gentils". Ce discours dans le cadre solennel de la Salle royale au Vatican a été marqué par une nouvelle innovation: l'ancien cardinal argentin Jorge Bergoglio a parlé en italien, délaissant le français, langue diplomatique. Le pape, qui réside toujours à la maison Sainte-Marthe au Vatican, poursuit sur sa lancée franciscaine, avec de nouveaux gestes d'humilité, en contraste saisissant avec les us et coutumes: il a célébré dans la chapelle une messe pour les employés du petit Etat -éboueurs, jardiniers...-, et a été vu en prière, assis sur un banc, derrière les fidèles avant le début de la célébration.