Jamais l'élection d'un nouveau pape, à la tête du Vatican, n'a soulevé autant d'espoirs dans le monde arabe et musulman. L'institution d'Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, a espéré de meilleures relations avec le Vatican sous le nouveau pape. De son coté, l'Organisation de la coopération islamique, qui regroupe 57 pays, a exprimé l'espoir de voir les relations entre musulmans et chrétiens s'améliorer. Dans un message de félicitations adressé au nouveau pape, le secrétaire général de l'OCI, le turc, Ekmeleddin Ihsanoglu a « exprimé le vif espoir de voir les relations entre l'islam et la chrétienté redevenir cordiales et marquées par l'amitié sincère » sous François. «En ce moment historique, l'OCI renouvelle son appel formulé depuis huit ans à une réconciliation historique entre l'islam et la chrétienté», a ajouté le message de l'organisation basée à Jeddah, en Arabie saoudite. La réconciliation est-elle possible? Pour l'histoire, il faut rappeler que le pape Benoît XVI avait entretenu des relations difficiles avec les musulmans, surtout depuis le discours qu'il avait prononcé en 2006 à Ratisbonne (sud de l'Allemagne) dans lequel il semblait associer l'islam à la violence. Il avait notamment cité un empereur byzantin décrivant le prophète Mahomet comme propageant des idées «mauvaises et inhumaines». Le dialogue avec al-Azhar avait repris en 2009 avant d'être de nouveau rompu après un appel du pape à protéger les minorités chrétiennes, après un attentat suicide contre une église d'Alexandrie en Egypte dans la nuit du 31 décembre 2010 au 1er janvier 2011. Al-Azhar avait qualifié ces déclarations sur les chrétiens d'Orient comme des «attaques répétées contre l'islam». «Un rétablissement de bonnes relations entre le monde musulman et le Vatican dépend de la personnalité du nouveau pape, de sa pensée et de sa vision pour le rapprochement entre les religions et les peuples», a estimé Ali Bakr, spécialiste des mouvements islamistes du centre d'études stratégiques d'al-Ahram au Caire. Que fera alors le Pape François 1er pour débloquer le dialogue et apaiser les esprits? Dans le sillage du printemps arabe qui a porté au pouvoir des partis islamistes dont le discours est souvent orienté contre l'occident et le monde judéo-chrétien, quelle marge de manœuvres dispose le nouveau maitre du Vatican, l'Argentin Jorge Bergoglio, sous le nom de François 1er pour imposer une nouvelle vision du dialogue à laquelle le monde entier dont principalement les pays musulmans viennent d'appeler au lendemain de son élection ? L'assassinat de Theo Van Gogh et l'islamophobie Mais la brouille entre l'occident et le monde musulman ne se limite pas aux déclarations de Benoit XVI. La tension remonte à 2004, date à laquelle le cinéaste Theo Van Gogh a été assassiné à Amsterdam par un jeune marocain qui a revendiqué son acte criminel au nom de l'Islam. Ce qui a fait dire à certains politologues que les relations entre l'occident et le monde musulman ne seront jamais plus les mêmes. Cet acte avait ouvert la voie à des comportements et une haine contre le musulman et la religion islamique en général. Ce qui s'appellera plus tard l'islamophobie. Elle sera ensuite instrumentalisée dans le discours politique de certains partis radicaux en Europe. Et comme un malheur ne vient jamais seul. L'islamophobie a été accompagnée par la montée des partis d'extrême droite dans certains pays européens. Ce qui a énormément attisé le sentiment antireligieux. D'autant que les nouvelles politiques contre l'immigration, justifiée par la crise économique et le chômage, ont beaucoup plus ciblé les ressortissants issus des pays arabes et musulmans. Mais de l'autre coté, les organisations terroristes qui se revendiquent de l'islam ont leurs parts de responsabilité dans cette tension. En multipliant les attentats (Paris 1995, Nairobi 1999, USA, 2001, Londres 2007 et occupation du nord du Mali en 2012), ils ont inévitablement contribué au renforcement du sentiment anti-arabe dans l'occident. Conséquence: la montée de l'intolérance entre l'occident et le monde musulman a bloqué le dialogue des civilisations et interreligieux qui était pourtant bien parti. C'est dans ce contexte difficile qu'il faudrait aujourd'hui analyser la position du nouveau pape François 1er par rapport au dialogue des civilisations et dont la mission attendue sera de « faire prévaloir les valeurs communes de l'islam et du christianisme pour favoriser le retour au dialogue ». Si pour l'heure, le nouveau Pape bénéficie de préjugés plutôt favorables par les organisations musulmanes qui semblent lui accorder le bénéfice du doute, ses premières déclarations révéleront ses principales préoccupations mais aussi les orientations fortes qu'il compte donner au Vatican. S T