Le pape François (76 ans) a pris ses fonctions hier, lors d'une messe inaugurale du pontificat, en présence de 132 délégations étrangères, dont 31 chefs d'Etat et de gouvernement, et des centaines de milliers de personnes rassemblées place Saint-Pierre, au Vatican. Le pape François I, premier pape du Nouveau monde, a beaucoup insisté sur le respect de la création et la famille, hier dans son homélie de début de pontificat, une façon prudente et positive de rappeler les valeurs traditionnelles de l'Eglise, sans aborder les maux qu'elle traverse. Dans le sermon de la messe inaugurale, qui livre souvent des clés sur les priorités d'un pontificat, Jorge Bergoglio est resté un évêque parlant à ses ouailles et commentant l'Evangile du jour, qui portait sur Saint-Joseph, patron de l'Eglise, et sur son rôle dans la Sainte Famille, assimilée à l'Eglise. Avec simplicité et clarté. Alors qu'il avait sévèrement fustigé «les comportements mondains dans l'Eglise» la semaine dernière devant les cardinaux, il n'a fait aucune allusion à la réforme nécessaire de la Curie, aux intrigues, aux divisions qui traversent actuellement l'Eglise, ni au scandale de pédophilie. Contrairement à son prédécesseur Benoît XVI qui ne se privait pas d'évoquer «les péchés de l'Eglise». «Joseph, a-t-il observé, est gardien» de sa famille. «Comment exerce-t-il cette garde ? Avec discrétion, avec humilité, dans le silence mais par une présence constante et une fidélité totale, même quand il ne comprend pas», a-t-il ajouté, dans ce qui est aussi un appui au rôle concret du père dans la société. Joseph, en tant que gardien de l'Eglise, ajoute-t-il, «sait lire avec réalisme les évènements, est attentif à ce qui l'entoure». Quant au vrai pouvoir du pape, c'est «le service, humble, concret», poursuit encore l'ancien cardinal de Buenos Aires, qui aimait le contact des pauvres quand il était archevêque et qui n'a pas l'expérience d'un homme d'appareil au sein de la Curie. Alors qu'il avait devant lui 132 délégations du monde entier et des chefs des autres religions, François n'a pas non plus fait allusion aux guerres et aux tensions... Sauf dans une perspective plus large en évoquant le moment où l'homme «ne prend plus soin de la création» et où «son cœur s'endurcit», alors, a-t-il averti, des «Hérode trament des desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de l'homme et de la femme». Ces propos étaient dans la lignée de ses prédécesseurs, Jean Paul II et Benoît XVI. Seul l'ajout «et de la femme» est une touche du pape argentin. L'insistance sur la «création» et «le respect pour toute créature de Dieu» a été omniprésente dans ce discours inaugural: l'environnement, la défense de la nature, mais surtout la vie humaine. Mais il est resté très prudent, évitant d'évoquer le respect de la vie depuis la conception jusqu'au terme naturel, c'est-à-dire contre l'avortement et l'euthanasie, comme le faisaient régulièrement Jean Paul II et Benoît XVI. En Argentine même, Jorge Bergoglio s'est opposé durement au gouvernement sur des lois légalisant l'avortement et autorisant le mariage homosexuel. Il fait figure de conservateur sur ces questions hautement sensibles. Samedi dernier, devant les journalistes, il avait eu cette petite phrase, exprimant sa préoccupation: «En ce moment nous avons aussi avec la création une relation qui n'est pas si bonne, n'est-ce pas?». Un autre accent, original, du pape a été porté sur la «tendresse» et la proximité fraternelle, notamment dans la famille. Par deux fois, il insiste: «Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse.» En répétant ces mots, il peut avoir à l'esprit une Eglise froide et arrogante, donnant des leçons aux gens. Ce discours correspond parfaitement à l'image qu'il donne, depuis le début de son pontificat, d'un homme chaleureux, naturel, direct, qui veut aller vers les gens, croyants et non croyants, alors que la hiérarchie parait murée dans sa tour d'ivoire. Ce terme «n'ayez pas peur», prononcé d'un ton énergique, rappelle aussi le «n'ayez pas peur» de Karol Wojtyla en 1978, au début de son pontificat. Cette homélie de François prend des accents pleins de douceur, franciscains, pour appeler les chrétiens à revenir à leur vocation première: être près des plus pauvres, des plus faibles, des gens âgés, de ceux qui sont parfois «dans la périphérie de nos cœurs». Pas de leçon de morale, pour le moment, pas d'annonce de réformes, pas de propos polémiques. Le pape semble vouloir avant tout redonner confiance à une Eglise en désarroi.