Le président du Bayern Munich, Uli Hoeness, dont la presse a révélé qu'il avait caché de l'argent en Suisse, s'était construit une image de "Monsieur intègre", volontiers donneur de leçons à la tête de l'un des plus grands clubs européens de football. Figure incontournable du ballon rond allemand à la fois en tant que joueur et en tant que dirigeant de club, Uli Hoeness, 61 ans, est connu pour ses "coups de gueule" en public, offrant volontiers un visage rouge de colère aux caméras toujours à l'affût de ses déclarations intempestives. Ironie de l'histoire, dans l'une de ses dernières "sorties" légendaires, il avait dénoncé sur un plateau de télévision le projet de la gauche radicale d'instaurer un impôt sur les gros revenus. "Alors les riches iront en Autriche ou en Suisse et alors on n'en tirera rien du tout" de leur argent, s'était-il emporté. Sept mois plus tard, Ulrich Hoeness dit "Uli" se retrouve au cœur de l'un des plus gros scandales de l'histoire du sport allemand, soupçonné, selon la presse, d'avoir dissimulé plus de dix millions d'euros au fisc. L'affaire fait d'autant plus de bruit depuis les premières révélations ce weekend qu'il passait jusqu'ici pour un "Allemand exemplaire, un modèle pour le pays tout entier", selon l'hebdomadaire Der Spiegel qui posait même récemment la question: "La République peut-elle apprendre d'Uli Hoeness?" Manageur général du Bayern Munich pendant 30 ans avant de devenir président du conseil de surveillance, ce fils de charcutier du sud de l'Allemagne, reçu à diner par la chancelière Angela Merkel, dirige d'une main de maître le club le plus titré du football allemand. Il a fait du Bayern Munich l'un des clubs les plus prospères de la planète avec un chiffre d'affaires de plus de 332 millions d'euros, contre 6 millions à son arrivée. Classé parmi les plus grands d'Europe, il est aujourd'hui capable d'attirer le très respecté Pep Guardiola, ancien entraîneur du FC Barcelone qui arrivera en Bavière cet été. Unique survivant Parmi les "gros coups" de sa carrière de manageur figure également le recrutement en 2007 de l'international français Franck Ribéry. Grâce à Hoeness et sa calculatrice, le club munichois est devenu un modèle économique pour d'autres clubs tombés aux mains de milliardaires russes, d'émirs du Golfe ou souvent criblés de dettes, parvenant à viser la consécration européenne (finaliste malheureux de la Ligue des champions 2010 et 2012, demi-finaliste de la compétition en cours), sans se ruiner. L'an dernier, ses coffres contenaient ainsi la bagatelle de près de 130 millions d'euros. A des années-lumière d'un Real Madrid ou d'un Barcelone aux dettes abyssales. La recette d'Uli? Tout simplement ne pas dépenser plus que l'on gagne. C'est également ce principe qu'il a appliqué à sa fructueuse entreprise de saucisses industrielles. Basée à Nuremberg (sud-est), cette PME partie de rien fabrique aujourd'hui des saucisses au curry pour le géant Mc Donald's et livre 10.000 tonnes de produits par an. Ces succès d'homme d'affaires ne l'empêchent pas de soutenir --en toute discrétion-- des organisations caritatives. Il participe aux fêtes de Noël des clubs de supporteurs, aide discrètement un joueur en difficultés, vole au secours de clubs mal en point comme son grand rival, Dortmund, au bord de la faillite en 2005. Mais Uli Hoeness, c'est également un impressionnant palmarès de joueur sous le maillot bavarois entre 1970 et 1979 (trois titres de champion d'Allemagne, trois victoires en C1). Il est également champion du monde en 1974 et d'Europe en 1972, mais doit raccrocher les crampons à 27 ans en raison d'une blessure à un genou. Unique survivant d'un accident d'un avion de tourisme en 1982, il est souvent présenté comme le supporteur numéro un du Bayern. "Le club, c'est l'œuvre de ma vie. J'y tiens de toutes les fibres de mon cœur et il en sera toujours ainsi". Devra-t-il renoncer au club de sa vie avec cette affaire fiscale? Il a fait savoir qu'il n'entendait pas démissionner de son poste de président. "Un Uli Hoeness ne laissera jamais tomber le Bayern, même si je dois m'occuper de la pelouse du stade", avait-il affirmé, il y a quelques années.