La 8e édition du Salon international de l'artisanat traditionnel a ouvert ses portes mercredi dernier. Organisée à l'initiative de l'Agence nationale de l'artisanat traditionnel, cette manifestation connaît une certaine mue cette année. Nous avons profité de la présence de M.Lakhdar Dorbani, pour nous entretenir avec lui de la situation d'un secteur dont le moins que nous puissions dire est qu'il reste intimement lié à la réappropriation de notre identité historique et culturelle. L'Expression: Dans quelle mesure le 8e Salon international de l'artisanat traditionnel revêt-il un intérêt particulier? M.Dorbani: Contrairement aux éditions précédentes, nous allons assister pour la première fois dans notre pays à la participation d'un nombre important d'artisans étrangers de l'Europe, du Maghreb, du Moyen-Orient et d'Afrique. Cette manifestation constitue également une excellente opportunité pour nos artisans de se «frotter» à leurs homologues étrangers et s'imprégner de leurs expériences. Parmi les nombreux pays présents, il en ait qui favorisent des actions et des mesures bonifiantes pour la promotion de l'artisanat traditionnel... En effet, les performances réalisées en matière d'artisanat par certains des pays invités, ne sont pas le fait du hasard, mais le résultat de soutiens multiformes qu'accordent ces pays à cette activité eu égard à ces impacts considérables sur les plans économique et social. A titre d'illustration, le soutien de l'Etat tunisien aux artisans se matérialise par des avantages importants aux plans fiscal, douanier et social et de facilitations d'accès au crédit. Quelle place réserve l'Etat algérien à la promotion de son propre artisanat? Si comparativement à certains pays, le dispositif de soutien mis en place dans notre pays n'est pas aussi performant et efficace, il n'en demeure pas moins que des efforts soutenus sont déployés par l'Etat pour faire des activités artisanales et des petites entreprises un secteur parfaitement intégré au développement global du pays. Aussi, un ambitieux programme a été mis en oeuvre ces dernières années pour le développement de ce secteur. - Au plan législatif, la promulgation d'une ordonnance en 1996, assortie de 13 décrets, consacre ce secteur comme activité économique à part entière. - Au plan de l'encadrement, des Chambres de l'artisanat et des métiers ont été créées: au nombre de huit en 1992, elles sont passées à vingt en 1997. Un organisme spécifique chargé de la promotion du produit a été mis en place: l'Agence nationale de l'artisanat traditionnel (Anart). Un corps d'inspecteurs de l'artisanat a été mis en place au niveau des wilayas. - Au plan du soutien à la création d'activité: un fonds de promotion des activités artisanales traditionnelles a été créé et il est opérationnel depuis 1995. Les fonds de l'emploi des jeunes et le microcrédit contribuent également à encourager les jeunes investisseurs. - Au plan des approvisionnements et de la commercialisation et tenant compte du contexte de libéralisation totale des activités commerciales en Algérie, un décret a été publié en avril 1997 pour permettre aux artisans de se constituer en coopératives de production, d'approvisionnement et de commercialisation. De même, les artisans, au même titre que les commerçants et les industriels, sont éligibles au financement de leurs importations par la Banque d'Algérie. - Au plan de la fiscalité, les dernières lois de finances ont introduit une série d'exonérations et d'allégements fiscaux susceptibles de dynamiser l'essor de l'artisanat. Ces efforts seront renforcés et soutenus dans le cadre de la nouvelle stratégie de développement de l'artisanat que nous sommes en train d'élaborer. Vous en saurez davantage dès que le document sera finalisé et examiné en Conseil de gouvernement. Nous croyons savoir, et c'est indépendant de la volonté de votre département ministériel, que de nombreux artisans mettent la clé sous le paillasson, même si d'autres, plus jeunes investissent le champ artisanal, parfois même au détriment de la qualité. Que faites-vous pour remédier à cet état de fait? En effet, le déséquilibre structurel et organisationnel qu'a connu le secteur, malgré les diverses tentatives de réhabilitation depuis 1992 (date de création du ministère chargé de l'Artisanat) ont eu des répercussions négatives sur certaines activités artisanales. A titre d'exemple, la fermeture des unités de filature a engendré une nette régression dans la pratique des activités de production de tapis et tissage, dont les principaux effets ont été: - la rupture des approvisionnements entraînant la mise en situation de cessation d'activité d'un grand nombre de tisserands. L'accaparement du marché par des «opérateurs» informels fournissant une matière première de mauvaise qualité et pratiquant des prix prohibitifs. Dans l'attente de mesures organisationnelles profondes, le ministère a pris les mesures suivantes: - Mise en apprentissage de jeunes auprès de maîtres artisans pour pérenniser la transmission du savoir-faire, notamment dans certaines activités. - Soutien financier aux artisans exerçant des activités en voie de disparition, dans le cadre du fonds de promotion de l'artisanat. - Implication des Chambres de l'artisanat et des métiers dans les opérations d'importation de matière d'oeuvre. - Allégement depuis l'année 2000 des droits de douane de certaines matières premières et équipements utilisés par le secteur de l'artisanat. Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun sinon de restructurer, du moins de renforcer les prérogatives de l'Anart à l'effet de permettre à cet organisme de se consacrer à l'encadrement du secteur à la formation ainsi qu'au contrôle de la qualité des produits? A ce sujet, je dois d'abord vous préciser que: L'Anart est chargée exclusivement de la promotion du produit artisanal sur les marchés intérieurs et extérieurs. - Les Chambres de l'artisanat et des métiers sont chargées, quant à elles, de l'encadrement et de l'organisation des professions et des métiers. La mission de formation, d'apprentissage et de perfectionnement des artisans est une attribution des Chambres des métiers. Quant au contrôle de la qualité des produits, mission statutaire dévolue à l'Anart, je vous informe qu'un décret exécutif a été élaboré pour mettre en place les modalités d'octroi du label de qualité et d'estampillage des produits de l'artisanat. Ce dispositif sera mis en application incessamment en relation avec les institutions nationales chargées de la normalisation et de la propriété industrielle (Ianor-Inapi). Devant l'incapacité du secteur bancaire à contribuer à la promotion de l'artisanat, ne serait-il pas temps, M.le ministre, de charger l'Anart, ou un autre organisme placé sous votre tutelle de l'octroi de crédits susceptibles d'encourager la créativité, la promotion de l'artisanat et des petits métiers? Là, vous touchez au problème crucial du secteur de l'artisanat. Les artisans rencontrent, en effet, des difficultés pour accéder au crédit bancaire car ils ne disposent pas, pour la plupart d'entre eux, de sûretés exigées par les banques. Certes, la mise en place du fonds de l'emploi des jeunes et du microcrédit a permis d'atténuer quelque peu cette contrainte. Toutefois, la lourdeur du dispositif et les conditions actuelles d'accès à ces crédits n'ont pas permis à un grand nombre d'artisans d'en bénéficier. Ces fonds, et plus particulièrement le microcrédit étant des financements de proximité et orientés principalement vers les métiers de l'artisanat, la raison aurait voulu qu'ils soient gérés par la Chambre nationale de l'artisanat et des métiers et son réseau de Chambres régionales. Ceci étant, une concertation sera engagée incessamment avec le ministère en charge de ces fonds pour impliquer nos Chambres en qualité d'interlocuteurs de l'Ansej et de l'ADS, d'une part, et d'organes d'appui et de soutien aux artisans dans le cadre de la préparation et de la présentation de leurs projets, d'autre part. A terme, et dans le cadre de la stratégie de développement du secteur à l'horizon 2010, il s'agira d'envisager la mise en place d'un fonds de garantie et un crédit propres aux activités artisanales, à l'instar des pratiques en usage dans les pays ayant développé leur artisanat (Tunisie, Maroc, France, Italie...). Dans le même ordre d'idées, nous est-il possible de connaître le nom de l'organisme chargé d'aider les artisans à acquérir les matières premières? Quels que soient les efforts qui seront déployés par l'Etat pour encadrer et soutenir les activités artisanales, la situation actuelle ne s'améliorera pas de manière sensible si les artisans eux- mêmes ne s'organisent pas pour prendre en charge au moins une partie de leurs problèmes, soit par le biais d'associations professionnelles (conseils interprofessionnels) soit par l'intermédiaire de coopératives ou de groupements d'intérêts communs. Le rôle de l'Etat consistera à apporter un soutien par des mesures incitatives en matière de taxes et de droits de douane par une exonération totale ou partielle des intrants importés à l'image de la pratique en usage dans certains pays. Dans l'attente de l'émergence de ces groupements d'artisans et d'opérateurs privés spécialisés dans l'approvisionnement de ces intrants, les Chambres de l'artisanat et des métiers seront impliquées dans des opérations d'importation sous forme d'achats groupés. Envisagez-vous, dans le cadre de la nouvelle loi de finances, de défendre les aspirations des artisans en demandant un franc soutien à même de leur permettre de bénéficier d'une exemption des droits de douane, d'avantages fiscaux...? Les mesures d'encouragement prises jusque-là sur le plan fiscal (mesures d'exonération en matière d'IRG pour les artisans nouvellement installés et la réduction du taux de TVA pour la quasi-totalité des produits de l'artisanat traditionnel) et financier (création du fonds de l'emploi des jeunes et du microcrédit) ont eu un impact certain, mais doivent être confortées par d'autres mesures. Il conviendrait de veiller en permanence à ce que notre artisanat bénéficie d'appuis financiers et fiscaux similaires à ceux en usage dans les autres pays du Maghreb. C'est pourquoi, nous avons émis un certain nombre de mesures dans le cadre de la loi de finances pour 2002. Il s'agit de la révision à la baisse des taxes (TVA) et des droits de douane des matières premières et des équipements utilisés dans la production artisanale. Envisagez-vous de déminer la mémoire par une débureaucratisation de l'écoulement de ces mêmes produits à l'extérieur de notre pays? Effectivement, le ministère a initié depuis quelques années une action visant à réhabiliter les produits artisanaux sur les marchés internationaux et leur assurer une présence durable sur les principales places commerciales. A ce titre le secteur a participé aux manifestations spécialisées organisées dans les principaux pays importateurs de l'artisanat (France, Italie, Angleterre, Espagne...) et qui ont eu un impact positif d'une manière générale et augurent de réelles perspectives d'exportation de nos produits.