Ces temps-ci, c´est à la mode de signer des traités d´amitié. Bien entendu, cela se passe entre pays et entre pouvoirs politiques. Evidemment, la première question qui se pose est : pourquoi un traité d´amitié surtout entre deux pays composés de millions d´individus? Est-ce que tous les individus d´un pays A aiment tous leurs homologues du pays B? Un citoyen du pays A peut avoir une dent contre un citoyen du pays B qui l´a, un jour, à l´occasion d´une visite touristique, délesté de son portefeuille! Un autre peut avoir été molesté par un flic lors d´une descente de police...Alors s´impose la triste évidence qu´un traité d´amitié ne peut être conclu qu´entre deux pouvoirs politiques. Pourquoi? Tout simplement parce que les pouvoirs politiques représentant des intérêts économiques dominants qui s´expriment par des gouvernements ont tout intérêt à défendre, c´est-à-dire maintenir ou développer leurs profits par la signature d´un traité d´amitié qui stipule entre autres, la priorité du pays ami par rapport aux autres dans tous les volets d´échange: commerce, justice, culture, diplomatie...Mais si l´on signe plusieurs traités d´amitié avec divers pays, quel sera donc le pays qui sera l´ami le plus intime? La question mérite d´être posée : qui passera avant l´autre dans un contrat commercial ou en cas de conflit entre deux amis d´un même tiers? L´Algérie a signé un traité d´amitié avec la Russie et la Turquie : quel est, parmi ces deux pays, le pays le plus ami? Celui qui a fait partie de l´Otan quand l´ALN menait une guerre contre un pays qui faisait partie de cette alliance militaire stratégique ou bien la Russie, héritière de l´URSS qui a mené une guerre froide contre l´Otan et a aidé tous les peuples qui ont lutté pour leur indépendance? Doit-on faire référence à l´histoire pour pouvoir signer des traités d´amitié? La Russie n´ayant jamais colonisé, occupé ou fait la guerre avec l´Algérie, peut-elle être mise sur le même plan que la Turquie qui a défendu le Maghreb contre les Espagnols, en a administré une bonne partie puis a abandonné le terrain? Doit-on se référer aux archives qui, hélas, n´ont été écrites que par une seule partie, pour juger de l´état des relations entre les indigènes et leurs administrateurs? Les traités d´amitié, signés il y a plus de deux siècles, sont-ils toujours valables? Les Etats-Unis qui soutiennent l´avant-dernier pays colonisateur (Israël) doivent-ils être toujours considérés comme un pays ami quand on sait qu´ils ont soutenu tous les efforts de guerre et toutes les agressions d´Israël contre les pays arabes. Et faut-il mettre sur la marge le fait qu´ils font la guerre et occupent un pays arabe l´Irak, et qu´il y ont occasionné plus de morts et de souffrances que tous les dictateurs baâthistes depuis Nabuchodonosor. Un traité d´amitié enfin suppose des rapports de franchise entre amis. Cette qualité implique d´abord le fait que, d´abord, deux amis doivent tout se dire et avant tout, reconnaître leurs torts passés. Une faute avouée est à moitié pardonnée. C´est le principal écueil qui empêche la signature du traité d´amitié entre la France et l´Algérie. La première ne voulant pas reconnaître les exactions commises entre 1830 et 1962, et surtout, n´a pas encore remboursé les dettes de la Révolution française envers le peuple algérien. Mais en attendant, on peut toujours signer un traité d´amitié (s´il n´existe pas encore) avec l´Italie qui a occupé jadis, tout le nord du Maghreb, l´a colonisé, asservi, développé avant de l´abandonner à ses successeurs byzantins, laissant des ruines qui témoignent de leur présence. Et personne ne dénonce plus les méfaits des Romains. L´Histoire, c´est cela! Le sang sèche avec le temps!