Il va falloir peut-être songer à changer de rubrique, de pseudo et de style afin que je ne puisse plus être la cible de quolibets de la part de mon ami Hassan: sachant que souvent mon stylo à bille (je suis de l´ancienne génération!), court plus vite que mes idées, et ce que j´écris traduit mal mes pensées ou bien les caricature dans un raccourci insaisissable. Ainsi, quand je disais qu´il y a un écart entre la technologie dont on se sert tous les jours et notre comportement quotidien, c´est pour stigmatiser le peu d´efforts pour amener l´individu dans l´effort collectif et l´absence totale de résultats dans l´éducation civique. Et la forte abstention aux dernières élections est là pour nous rappeler la profonde désaffection des citoyens envers la chose publique. D´ailleurs, on peut se rappeler à ce propos la mémorable intervention du chef du RND, Ouyahia, quand il invitait ses concitoyens à se réconcilier avec l´Etat et avec eux-mêmes. C´est vite dit. Cela se voit que l´ancien Premier ministre ne vit pas dans une de ces cités populaires et populeuses où la densité au kilomètre carré peut dépasser aisément celle de Hong Kong ou des «Quatre hectares» d´El Harrach. Est-ce que le responsable politique ou administratif peut se rendre compte des conditions d´existence dans un environnement où le laisser-aller le dispute à la négligence? Il est facile pour quelqu´un qui vit dans un cocon douillet, un quartier huppé ou dans une zone franche adossée à un bois et faisant face à la mer, de donner des leçons ou des conseils de maintien. D´abord, la qualité des routes et des rues est différente d´un quartier à un autre: comme disait mon ami Youcef, les cantonniers ne travaillent que «win ichouf Ahmed». Là, vous m´avez compris, que ce qui est soigné dans ce pays, c´est le décor de la devanture: sitôt franchie la palissade qui sépare le meilleur du pire, le pays est un éternel et vaste terrain plein d´inachevé. A peine l´été commence-t-il à pointer après une pluie boueuse que l´ambiance commence à changer brutalement. Déjà, les klaxons des voitures escortant la mariée vers une salle des fêtes commencent à tirer les candidats à une paisible sieste, de leur indifférence: impossible de se reposer dès qu´il fait beau. A 6 heures du matin, un 4x4 entre bruyamment dans le pâté de tours et tire de leurs cauchemars les rescapés de la précédente nuit blanche: des délinquants potentiels viennent récupérer dans un concert de klaxons et d´appels un collègue dont le réveil n´a pas fonctionné. Ce ne serait pas si grave si, peu après, la petite voisine du dixième étage n´entame un dialogue du rez-de-chaussée avec sa mère. Des jurons et des imprécations fusent des balcons quand ce ne sont pas des projectiles liquides. Cela semblerait bénin si dans toutes les nuisances sonores répertoriées il n´y avait celles qui sont liées au sport-roi. Durant chaque match retransmis à la télé, le voisin qui est appelé «Chenaoua» ameute toute sa famille devant le récepteur et c´est le 5-Juillet en direct! Les commentaires, les exclamations, les trépidations, les cris d´horreur, de stupeur ou de joie sont partagés avec tous les voisins environnants. Et ce serait le paradis si à 23h ou minuit, le même supporter ne réveille toute la maisonnée en hélant son fils pour qu´il lui ouvre la porte. Allez donc vous réconcilier avec vous-mêmes! [email protected]