Réalisme L?actuel entraîneur du Mouloudia d?Alger, ex-international français et héros de la mythique équipe de l?AS St-Etienne des années 1970, Hervé Révelli, a longtemps gardé ses distances avec la presse. Non pas parce qu?il n?est pas un communicateur, mais tout simplement pour éviter toute mauvaise interprétation due à son franc-parler jugé tranchant. Pour InfoSoir, il a accepté de parler du MCA et de tout ce qui entoure son métier depuis son arrivée à Alger. InfoSoir : Comment va votre équipe qui a l?air de connaître de nouveau un passage à vide après trois matches sans victoire, dont un nul à domicile face à la lanterne rouge et une défaite à Oran ? Hervé Révelli : A mon avis, il ne faut pas analyser match par match, mais plutôt l?ensemble des performances. En ce qui nous concerne, nous n?avons pas l?habitude de jouer tous les trois jours, à un rythme aussi intense. Sur les trois résultats, il y en a un qui n?est pas bon, c?est celui contre Béjaïa à domicile. Mais comme je l?ai déjà dit, c?était un match piège. Cela fait longtemps que je suis dans ce domaine pour savoir qu?un match de foot n?est jamais gagné à l?avance, que ce soit face au premier ou au dernier. La JSMB devait jouer sa dernière chance contre nous, elle avait un tout petit espoir de se relever. Ses joueurs ont eu finalement le match nul et c?est tout à leur honneur puisqu?ils ont bataillé dur pour l?avoir, mais nous aussi nous aurions pu l?emporter sur un score de 5 ou 6 à 1 si on avait mis toutes les occasions dedans. Le NAHD est une équipe qui m?a toujours impressionné par son envie de gagner et sa rigueur. Et même si elle a perdu en Coupe arabe, elle a montré beaucoup de qualités, ce qui fait qu?on a obtenu le match nul face à une bonne équipe. A Oran, honnêtement, on aurait pu faire le break après l?ouverture du score par Chaouche ; mais bon, je ne voudrais pas revenir sur des erreurs individuelles, car celles-ci je ne les jugerai qu?en tête-à-tête et pas en public et encore moins devant la presse. Là aussi je dis que certains joueurs n?ont pas eu le rendement que j?attendais d?eux. Un match se gagne à onze contre onze et le dernier rempart est comme un buteur, lorsqu?il rate on ne voit que lui. De ce point de vue-là, je ne condamne personne. Par ailleurs, si je vois le classement de l?équipe, le MCA occupe une place plus qu?honorable. Le groupe est-il serein et prêt à jouer pleinement une fin de saison assez chargée et décisive ? Le groupe est très serein et réceptif, les joueurs ont envie d?évoluer et de grandir ensemble. C?est une bonne chose. Il y a également la manière de gérer ce groupe qui a changé, car j?ai instauré une autre façon de travailler, un peu plus professionnelle et de haut niveau, comme cela se fait en Europe. Que ce soit sur ou hors terrain. Ce qui nous reste maintenant, c?est d?avancer ensemble, d?essayer de décrocher cette troisième place et d?aller le plus loin possible en Coupe d?Algérie. Les joueurs en ont vraiment envie malgré les pressions qu?ils subissent de l?extérieur et qui ne travaillent pas la stabilité et la sérénité du groupe. Ressentez-vous cette pression, M. Révelli ? Personnellement non, mais les joueurs si. Ces derniers viennent souvent m?en parler. Comme je ne lis pas ou presque pas la presse spécialisée, cela ne me dérange pas. Je fais ce qui me paraît utile pour le bien de l?équipe, le reste ne me concerne pas. Ce n?est pas la même chose pour les joueurs. Certains ont pris le pli sur moi en lisant moins la presse et je pense que c?est bien pour eux, car ils ont décidé de faire leur boulot comme des professionnels, d?autres restent plus sensibles à ce qui s?écrit ou se dit autour d?eux. Comment gérez-vous tout cela, surtout que plusieurs entraîneurs avant vous ont été confrontés au problème de mettre les joueurs dans une bulle à l?abri de toute pression ? J?ai l?impression qu?avec les autres entraîneurs, les joueurs n?étaient pas dans une bulle du tout. Moi, je leur ai rappelé ce que nous disait à l?époque Jean Snella : «Il y a deux choses dans la vie : ou vous lisez les journaux et vous prenez vos responsabilités ou bien vous ne lisez pas et vous êtes tranquilles.» Snella était un superprofessionnel qui n?accordait que rarement de l?importance à ce qui se disait de l?extérieur. J?essaye donc d?inculquer cela aux joueurs. Pour ma part, j?ai trois ou quatre quotidiens que je lis régulièrement et cela est important pour ma culture générale. Il faut s?ouvrir sur le monde et ne pas rester dans le football seulement. Cela fait deux mois et demi que vous êtes là, comment jugez-vous la valeur de votre équipe. Est-elle capable d?aller jusqu?au bout de ses ambitions ou lui manque-t-il des choses pour le faire ? Non, moi je coupe court à tout cela, car je pense que les gens ont la mémoire courte. Le vrai supporter a envie de voir son équipe gagner et c?est normal, simplement il faut réfléchir et se dire que nous venons de la seconde division. Je suis entraîneur professionnel et je sais ce qui se passe souvent, même en Europe, c?est la même chose, une équipe qui accède, c?est comme une belle maison si on veut lui mettre un joli toit, il faut s?assurer qu?il y a de solides fondations, sinon elle risque de s?écrouler. A cet effet, j?estime que mon équipe est bien placée en championnat et terminera bien placée, il faut donc essayer de construire quelque chose de solide dans le durable, mais dans l?immédiat. Des équipes, comme l?USMA, qui marchent bien, ont mis quatre à cinq ans pour atteindre leur bon niveau actuel et se construire. Les joueurs ont souvent cinq à six ans ensemble, c?est important. Il faut donc être patient, donner du temps au temps et laisser les gens qui sont au club essayer de construire quelque chose de bien. Avec ou sans moi, avec les dirigeants actuels ou avec d?autres, la démarche est la même, c?est-à-dire laisser les gens travailler en paix. En revanche, je ne juge pas mon équipe, parlons plutôt d?évaluation si vous voulez. C?est vrai que cette équipe a besoin de renfort dans certains compartiments si on veut gravir certains échelons. Ne comptez pas sur moi pour vous donner des noms ou les postes en question. Cela ne concerne que moi ou celui qui me succédera. Pour s?améliorer, il faut se renforcer avec des joueurs de grande qualité. C?est vrai qu?il y a une bonne base au Mouloudia, mais il faut des hommes d?expérience et de valeur pour pousser encore plus vite le wagon. Nous sommes à la quatrième place, ne l?oubliez pas, ce qui prouve que nous avons de la valeur, mais il faut encore travailler. Votre avenir est-il lié au MCA ? Vous mettez-vous dans une projection dès maintenant ? Quand on est entraîneur professionnel, que ce soit à court ou à long terme, il faut faire son travail sérieusement. Pour moi, le long terme, c?est dans deux mois. Je dois améliorer le rendement de mon équipe dans les deux mois qui viennent. Après, ce sera autre chose. Ce n?est pas à moi de vous répondre sur ce point. Dans l?immédiat, c?est vrai une saison se prépare bien à l?avance, c?est-à-dire dès maintenant. Je ne sais toujours pas si ce sera avec ou sans moi. Cela se décidera peut-être dans les semaines à venir. Sachez seulement que je ne suis attaché ni à un endroit ni à une personne. Comme on a le droit d?écarter un entraîneur, celui-ci aussi a le droit de s?en aller s?il le veut. Les changements font partie de la vie. Tant que je suis au MCA, je suis à 200 % de mon rendement ! Avez-vous déjà arrêté une liste des joueurs à recruter et pensez-vous que ces joueurs existent dans notre championnat ou faut-il aller les chercher de l?étranger ? Oui, j?ai plusieurs noms avec leur poste et dans toutes les lignes. Tous sont issus du championnat national, car j?estime qu?il y a beaucoup de joueurs qui sont capables de renforcer le MCA. Et puis, qui ne rêve pas ? Pas plus tard qu?hier, je me suis amusé à mettre sur un papier une équipe qui, ma foi, peut avoir de l?allure. Mais cela reste un rêve, qui peut être réalisable avec moi ou avec quelqu?un d?autre. Vous avez eu l?occasion d?entraîner deux clubs algériens en une saison. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? Vous savez, je n?aime pas faire de comparaison. Mais je dirai que ce sont deux expériences différentes. Au MCO, ce fut le cauchemar, car je suis arrivé peut-être au mauvais moment alors que le club vivait une crise terrible. Tout le monde s?est demandé d?ailleurs comment j'ai pu tenir. Aujourd?hui, je dis heureusement que je suis resté pour maintenir un peu l?équipe là où elle est. A 57 ans, ce genre d?expérience, je peux m?en passer. Au MCA, c?est différent, il y a d?autres hommes, d?autres moyens. Et même si ça secoue autour, je trouve que c?est plus serein. A la limite, cela ne me dérange pas, car les supporters vivent de cette équipe. Mais des fois, c?est un peu pesant pour les joueurs. A Oran, il y avait moins de pression. Par ailleurs, il faut arrêter à ce qu?untel recrute tel ou tel joueur et untel recrute tel autre joueur. Le recrutement, c?est l?affaire de l?entraîneur et pas de quelqu?un d?autre. Le jour où l?on comprendra cela, on aura compris beaucoup de choses. Ce n?est pas à la rue ni aux dirigeants de recruter. La responsabilité du coach sera la seule à être engagée. Etes-vous calculateur M. Révelli : il vous reste deux derbys difficiles, deux déplacements et deux matches à domicile, quel objectif visez-vous ? Non, je ne le suis pas. Les matches ne se gagnent pas à l?avance. Pour notre part, on négociera cela match par match. Je vis au jour le jour. Lorsque le match d?aujourd?hui se termine, celui qui vient après a déjà commencé. L?envie existe chez les joueurs de faire des résultats. Ils sont motivés et veulent décrocher une place qui leur permettra de goûter à autre chose, à d?autres sensations. Moi, j?ai gagné sept titres nationaux avec l?ASSE, mais à un moment donné, on a voulu voir un autre football et connaître d?autres aventures. Au Mouloudia, il y a cette envie de sortir des frontières et aller voir ce qui se passe ailleurs. Vivre dans une autre dimension. Qu?en est-il du cas Saoula qui s?est absenté des entraînements sans raison valable ? Il y a une presse qui a dit qu?il avait triché en prenant un carton pour ne pas jouer à Oran. Moi, je ne crois qu?à ce qu?on me dit en face, le reste ne m?intéresse pas. Ce joueur-là n?était pas aux entraînements contrairement aux déclarations d?une certaine presse à scandale qui avait évoqué mon voyage en France. Le jour où il s?est pointé, je lui ai demandé les raisons de son absence et j?ai demandé à ce qu?il soit traduit devant le conseil de discipline avant de rejoindre ses coéquipiers. (Ndlr : l?entretien a été réalisé quelques minutes seulement avant la réintégration du joueur parmi l?effectif). Chacun doit être à sa place et prendre ses responsabilités.