La presque journée d'hiver a éclipsé, hier, le début de canicule qui sévit depuis quelques jours. De menaçants nuages s'amoncellent à présent sur les montagnes. Un vent violent s'est levé de façon soudaine, plongeant l'ex-Ménerville dans un épais brouillard de poussière. La fine pluie qui s'en suivit amène une brise de fraîcheur. Tout le monde a la chair de poule. Toute façon, la colère est montée d'un cran hier à Thénia. Les sinistrés de la cité HLM située sur les hauteurs ont bloqué l'une des rues menant à l'autoroute. En effet, c'est le seul moyen de pression que ces malheureuses gens ont trouvé pour inciter les autorités à leur faire parvenir les tentes qu'ils attendent depuis la nuit du terrible séisme. Cette cité est la plus éprouvée, c'est elle qui a enregistré le plus grand nombre de victimes Le besoin d'abri est d'autant plus ressenti que la nuit qui s'est annoncée promet d'être l'une des plus rudes à passer avec le retour du froid. Les nourrissons manquent de lait et les médicaments tardent à venir. Les autorités ont proposé à ces sinistrés de les faire déménager vers un autre site, mais ces derniers ont refusé de quitter leur quartier. Ce n'est qu'après des négociations avec les éléments de l'ANP, dont les véhicules avaient été un moment coincés, que finalement la voie a pu être dégagée. «A voir la télévision et à écouter la radio, on sait que des cargaisons de tentes et de dons de toutes sortes arrivent chaque jour à l'aéroport, on ne comprend pas pourquoi il faut toujours attendre», s'interroge-t-on ici. Logés dans des tentes de fortune, ces sinistrés sont exposés aux maladies. Le Dr Attaf, chirurgien à l'hôpital de Thénia, parle de «risque de MTH vu la température». «Les signes s'installent puisqu'on a reçu plusieurs personnes souffrant d'intoxication alimentaire ou de diarrhée», prévient-il. Plus loin, en contrebas, les sinistrés de la cité 5-Juillet semblent être mieux lotis. Ils ont la chance d'être installés en face de leurs anciens immeubles. Là, on a aménagé une infirmerie ainsi qu'un sanitaire pour alors que les hommes attendent le leur. Les dons en nourriture sont amenés par des bénévoles, des commerçants ou des industriels venus des quatre coins du pays. Ils viennent avec leur véhicule, déchargent et repartent. Ils s'adressent directement aux occupants du camp de toile ou vont taper à la porte de l'un des quatre dépôts que compte la ville. Un de ces bénévoles ayant fait don de pain ainsi que d'eau minérale est même prié par les sinistrés d'aller livrer son chargement dans les quartiers de la ville où il paraît que les gens en ont grand besoin. Nous l'accompagnâmes. Entre-temps, un camion de l'entreprise publique Naftal a stationné devant le camp de toile pour vendre aux sinistrés le gaz à 162 DA la bouteille. Arrivés à la cité Le Juste, le véhicule du bénévole sitôt immobilisé est pris d'assaut par les habitants du quartier. C'est la famine. Le pain est consommé sur place. «La plupart des commerces ont fermé, les autorités ne font rien pour nous venir en aide. Le maire nous distribue avec parcimonie les vivres collectées au niveau de la salle omnisports», se plaignent ces citoyens. Des jeunes ont tenté de piller, durant la nuit de samedi à dimanche, cette salle. Selon le SG de la daïra de Thénia, en même temps gérant de la salle omnisports, cet acte traduit «l'insatiabilité des gens». Mais de leur côté, les citoyens de Thénia parlent déjà «de dons détournés».