Un violent accrochage entre policiers et terroristes présumés a ébranlé la ville sainte, dans la nuit de samedi à dimanche. L'Arabie Saoudite a vécu à nouveau, dans la nuit de samedi à dimanche, une nuit agitée, marquée par le violent accrochage ayant opposé des éléments des services de sécurité à un groupe d'individus, circulant en voiture, pour avoir refusé d'obtempérer aux ordres des forces de l'ordre. Dix personnes, dont cinq parmi les policiers, ont trouvé la mort dans cet échange de coups de feu entre policiers et terroristes présumés, selon un premier communiqué de la police locale. Toutefois, dans la journée d'hier, le ministre de l'Intérieur, le prince Nayef avait indiqué que deux policiers et cinq terroristes ont été tués lors d'une opération policière contre des groupes extrémistes qui se préparaient à commettre des attentats. Cet accrochage meurtrier, qui intervient dans la ville Sainte de La Mecque, un mois après le triple attentat-suicide de Riyad qui occasionna la mort de 35 personnes, dont douze kamikazes, met en exergue la difficile situation sécuritaire prévalant en Arabie Saoudite. Quoique faisant face à une opposition organisée depuis de nombreuses années, le royaume wahhabite avait, jusqu'ici, été épargné par la violence, à quelques exceptions près, comme la prise d'otages à La Mecque de 1979 et l'attentat de Dahran de 1994 contre l'immeuble abritant des troupes US stationnées en Arabie Saoudite, causant la mort de plusieurs militaires américains. Aussi, les attentats du complexe résidentiel Al-Hamra de Riyad, le 12 mai (35 morts et plusieurs dizaines de blessés) et l'accrochage d'hier (10 morts), mettent-ils l'Arabie Saoudite dans l'oeil du cyclone islamiste et les dirigeants saoudiens en porte-à-faux dans une situation qu'ils ont longtemps voulu ignorer, sinon minorer l'impact qu'elle pouvait avoir sur le devenir du royaume. De fait, le royaume saoudite qui, par ailleurs, se trouve dans une phase de transition induite par la longue indisponibilité du roi Fahd - malade et impotent - se trouve, aujourd'hui, pris au piège du terrorisme islamiste qui n'est pas seulement le fait de la nébuleuse Al-Qaîda accusée, pour l'essentiel, des dernières opérations qui mirent au-devant de l'actualité internationale l'Arabie Saoudite. L'accrochage de La Mecque montre, en fait, que l'opposition saoudienne a sans doute franchi un nouveau degré dans sa contestation du régime monarchique wahhabite. Certes, il reste encore à déterminer l'appartenance des terroristes, présumés, éliminés hier matin, pour dire quel lien existe, ou existerait, entre ce groupe et Al-Qaîda, d'une part, et d'autre part, si le groupe intercepté par les services de sécurité saoudiens fait partie en fait des éléments de l'opposition saoudienne armée En effet, selon le quotidien Okaz, les services de sécurité saoudiens ont trouvé, hier, dans un appartement du quartier d'Al-Khalidia - où se sont retranchés les rescapés de l'accrochage - «une importante quantité d'armes et d'explosifs», sans autres indications. Le ministre saoudien de l'Intérieur, le prince Nayef Ben Abdelaziz, avait précisé, vendredi, dans une déclaration à la presse, que cinq nouveaux suspects dans l'affaire de l'attentat de Riyad ont été arrêtés, portant à plus de 30 personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire. Toutefois, le cerveau présumé des attentats-suicide de Riyad, Ali Abdelrahmane Al-Ghamdi, dont l'arrestation avait été plusieurs fois annoncée par la presse saoudienne, est, en fait, toujours en fuite. A propos des événements de la nuit de samedi à dimanche, le Mouvement islamique pour la réforme en Arabie - MIRA, opposition basée dans la capitale britannique - a, dans un communiqué diffusé hier à Londres, indiqué, citant «plusieurs sources» locales, que «huit membres des services de sécurité et trois citoyens ont été tués» dans l'accrochage, affirmant que «après l'accrochage, d'importants renforts ont été dépêchés dans la région, où plusieurs quartiers ont été fouillés». Ce qui contredit le bilan donné par le prince Nayef. Il y a aujour-d'hui au royaume wahhabite comme une conjonction entre l'opposition islamique et la nébuleuse Al-Qaîda, dont, même si les objectifs ne convergent pas, la finalité demeure la même : la chute de la dynastie des Al-Saoud. L'un des suspects les plus recherchés dans les attentats de Riyad, Abdallah Sultan Al-Qahtani, tout en s'en prenant aux Américains, auxquels il promet de «briser l'échine», «arracher les dents» et «rogner les griffes pour vivre vraiment à l'ombre de la charia (...)» pour les voir «se retirer humiliés et vaincus de la péninsule arabique», menace dans le même temps les autorités de Riyad indiquant: «Nous étions soucieux d'éviter de combattre n'importe quel régime au monde, à l'exception de l'Amérique. Mais ceux qui se sont rangés dans le camp américain doivent assumer la responsabilité de ce qui leur arrive (...)». Al-Qahtani exige ainsi la libération «des cheikhs emprisonnés (...) des épouses des moudjahidine» ajoutant: «Si les responsables (saoudiens) refusent, nous ferons tout ce qui est possible pour sortir les innocents de leur malheur». Ainsi, le terrorisme en Arabie Saoudite se montre à visage découvert. Récemment, le prince héritier, Abdallah Ben Abdelaziz, suite aux attentats de Riyad, tout en appelant les citoyens à coopérer avec les services de sécurité, avait affirmé que «le terrorisme et le massacre des innocents n'ont rien à voir avec la foi de l'Islam». Il n'en demeure pas moins que c'est ce terrorisme, qui s'est longtemps attaqué aux innocents- notamment en Algérie sans que les autorités religieuses dans le monde arabe et musulman le condamnent clairement - qui fait une brutale incursion au royaume saoudien où le fondamentalisme wahhabite légitime la monarchie des Al Saoud.