Quand M. Raffarin parle de «preuves d´amitié» nous sommes bien sûr "preneurs". Nous y sommes sensibles, mais nous savons aussi que la France ce n´est pas seulement M.Raffarin.... La mission Raffarin commence à donner ses fruits. Cette semaine deux grands groupes français ont finalisé leur installation en Algérie. Saint Gobain pour le verre et Axa pour les assurances. C´est bien! Mais faut-il pour autant trépigner de joie? Cela suffit-il pour parler de réchauffement durable des relations algéro-françaises? Très certainement, c´est non! Nous restons très mesurés dans l´appréciation qui peut être faite de ce bilan. Il est vrai que ce que le Medef n´a pas pu ou voulu durant des années, le sénateur Jean Pierre Raffarin l´a réussi en quelques mois. Il est vrai aussi que M.Raffarin est une personnalité rassurante pour les Algériens avec son accent de sincérité et la passion qui l´anime quand il défend l´importance de l´axe Alger-Paris dans ce qu´il appelle «l´Eurafrique». D´ailleurs il vient d´être élu, cette semaine, président de l´Association France-Algérie (AFA). Nous nous en félicitons et lui souhaitons plein succès dans sa nouvelle mission qui consiste à rapprocher les deux pays dans le strict respect de leurs intérêts mutuels. Sans coup de Jarnac. Ce qui, malheureusement, n´a pas été le cas jusque-là. La fausse médiation entreprise par le Medef s´est soldée par une perte de parts de marché conséquente de la France en Algérie. De là à dire que le Medef et certaines parties en France travaillent contre les intérêts de leur pays, nous n´en sentons ni l´utilité ni même le droit de nous immiscer dans les affaires franco-françaises. Cependant et s´agissant de la mission Raffarin dans notre pays, nous sommes tout à fait à l´aise pour dire qu´il a réussi là où personne avant lui n´avait pu faire avancer les choses. Toujours son accent de sincérité. Comme lorsqu´il déclare que «l´amitié c´est bien, mais les preuves d´amitié c´est encore mieux» et que «désormais rien ne pourra se faire dans la région sans l´Algérie». Pour les preuves d´amitié, il est clair que nous en avons grandement besoin. A la place et malheureusement nous avons eu la loi du 23 février 2005 qui répond de manière cynique à notre attente de reconnaissance des crimes commis lors de la très longue période de colonisation que nous avons subie. Nous pensons à tous les ennuis injustement causés à notre diplomate Hasseni. Nous pensons à ces remontées périodiques en surface de l´affaire des moines de Tibhirine marquées par des campagnes médiatiques tendancieuses. Et on en passe comme autres «gâteries». Donc quand M.Raffarin parle de «preuves d´amitié» nous sommes bien sûr «preneurs». Ceci dit, nous savons aussi que la France ce n´est pas seulement M.Raffarin et tous les autres Français qui pensent comme lui. Et là nous pensons à cette déclaration du secrétaire d´Etat français au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, qui apparaît soudainement dans les bagages de M. Raffarin dans sa dernière visite. Quand ce monsieur affirme que «ceux qui regardent dans le rétroviseur se trompent», avec comme argument cette façon pernicieuse de sous- entendre que ceux-ci ne sont qu´une minorité, de plus en voie de disparition, quand il demande: «Combien de personnes sont nés après 1962?». Il dit autrement la même chose que Bernard Kouchner qui «mise» sur la disparition de la génération de Novembre. A ce propos nous voulons juste rafraîchir la mémoire de M.Lellouche. N´est-ce pas lui qui, en 2002, en proposant la loi aggravant les peines en cas de violence raciste ou antisémite, qui a d´ailleurs été votée, a déclaré: «60 ans après la Shoah, ça m´a secoué de devoir écrire une loi pour protéger les Juifs en France»? Alors M.Lellouche, ce rétroviseur dont vous vous servez ne serait pas bon pour les autres? Et pourquoi cela, s´il vous plaît? Et pourtant vous êtes né bien après la Shoah. Vous le savez par vos parents. Les Algériens nés après 1962 ont aussi des parents qui transmettent le «témoin». C´est pourquoi nous serons toujours mesurés et vigilants. Les générations à venir ne le seront pas moins. Savez-vous pourquoi? Pour au moins deux événements capitaux entre ce qui est dit et ce qui est fait. La violation par la France, en 1830, du traité de capitulation deux jours seulement après sa signature. D´autre part, le maintient en prison de l´Emir Abdelkader, cinq années durant, malgré la promesse faite par la France de lui garantir la liberté. Autant de leçons qui sont dans ce «rétroviseur» sur lequel vous avez les yeux rivés et que vous nous déconseillez. Quelle inconséquence! ([email protected])