Le réalisateur Khaled Youssef, avec son héroïne Joumana Mourad, à la projection Tout en plaidant pour l'Unité arabe, Khaled Youssef, confiant en l'avenir de son pays, clôt une quadrilogie avec Kaf El Kamar, tandis que l'Algéro-Marocain convoque notre âme d'enfant avec son touchant film Majid. Le célèbre réalisateur mais aussi coscénariste de Youssef Chahine sur pas mal de ses films, est venu présenter lundi son dernier long métrage clôturant ainsi sa quadrilogie sur la situation égyptienne anté-Moubarak. Kaf El Kamar succède ainsi à Doukan Chahata et le Chaos notamment qui ont reçu énormément d'échos à leur sortie. Réalisé en novembre 2011, ce film a été donc produit dans un contexte des plus brûlants à quelques encablures de la déclaration de la Révolution du Jasmin en Tunisie. Dans Kaf El Kamar, Khaled Youssef, qui use comme à chaque fois des grands moyens de production pour faire une oeuvre de consommation populaire, reste fidèle à ses ingrédients qui font la particularité de son cinéma et parfois sa faiblesse. Un trop-plein de musique qui accentue le «message» du film et des scènes de frivolité à outrance. Les «barbus» ici sont suppléés par les bons soufis qui dansent et prient comme seule alternative à un monde chaotique quand il ne reste plus de salut à l'humanité. Dans Kaf El Kamar il est question d'expropriation de la terre et d'une cellule familiale éclatée que la mère tente désespérément de rassembler et d'unir. Une mère demande à ses enfants de construire une maison où tous les voeux peuvent être de nouveau réalisés. Devenus grands, ces garçons prennent d'autres directions et le fils aîné est envoyé une dernière fois pour réunir ses frères. Lui devenu trafiquant d'armes, tandis qu'un autre frère, vendeur de drogue, et un autre encore tombe amoureux d'une danseuse du ventre et coupe le pont avec la famille. Ces garçons évoluent désormais loin de la maison natale dans une mouvance anarchique, nourris de soif de vivre et d'exister et dans un contraste d'interdits castrateurs qui ont pour source la culture islamique conservatrice. Dans les films de Khaled Youssef, la morale pointe souvent son nez pour dire la violence absurde à laquelle les Arabes sont confrontés. «Doukan chouhata parlait de la liberté perdue. Ce qui s'applique au Caire, l'est autant pour l'ensemble des pays et les sociétés, à savoir l'idée de l'unité arabe», fera remarquer le réalisateur, accompagné qu'il était de sa comédienne Joumana Mourad et Sabri Fouaza du syndicat des acteurs égyptiens. Khaled Youssef, qui avoue que le style de son film relève quelque peu de l'épopée, s'est évidemment inspiré du réel. Bien que réfutant l'idée selon laquelle la mère représente le pays entouré de ses enfants, le réalisateur qui «tue» délibérément cette femme, pilier de la maison, a voulu traduire l'idée du renouveau, tout comme l'avènement d'une nouvelle génération, symbolisée par la fille de son premier fils. «Optimisme en l'avenir», fera-t-il remarquer, le réalisateur estimera que le peuple égyptien amoureux des arts et de la liberté de nature, pourra triompher contre les Frères musulmans car son génie est plus fort. «Je n'ai donc pas peur pour l'art, la créativité de l'Egyptien, personne ne pourra éteindre sa lumière.» Abondant dans le même sens, Sabri Fouaza dira à juste titre: «On ne laissera aucun courant politique quel qui soit dépasser ses limites avec l'art.» L'Egypte, qui peine actuellement à construire son avenir, qui se dessine pour l'instant en rouge, ne voit pas encore le bout du tunnel. C'est souvent le prix de la liberté et de la dignité pour contrer toute forme de dictature, telle qu'elle est un peu représentée par cet homme qui tend à imposer sa vision des choses sur ses frères... Après le politique, et les trahisons, place à l'innocence avec le long métrage de l'Algéro-Marocain Majid de Nassim Abassi. L'histoire drôle et touchante à la fois est celle de Majid, orphelin de parents, qui cherche désespérément à mettre la main sur une photo où apparaissent ces derniers pour ne pas oublier ses repères, les images de ses géniteurs, comme l'incarnation du cordon ombilical et filial qui le rattacherait à ses racines et son passé. Pour ce faire, il partira dans un voyage jusque dans une ville éloignée à bord d'un bus, en compagnie d'un autre garçon pauvre comme lui, qui sera son soutien et unique ami. Ce film, qui brosse le portrait de deux gamins abandonnés par la société, évoque d'un autre côté le désir pour beaucoup de jeunes Maghrébins de partir tenter leur chance ailleurs. «Le film porte en partie sur la mémoire, la mienne notamment car j'ai quitté l'Algérie à l'âge de dix ans, et en second lieu la hogra envers les orphelins pauvres.» Et de confier: «Majid je l'ai rencontré à la corniche de Tanger. Dans les environs d'El Homadia j'ai découvert Larbi qui, lui, est véritablement un orphelin, alors que le premier possède dix frères et soeurs.» Et de renchérir: «L'objectif à travers ce film est que les gens revisitent leur façon de voir avant de frapper un enfant car c'est une personne comme une autre.» L'inattendue fin du film s'est imposée au réalisateur de facto comme une logique «organique dictée par le scénario». Amusant et émouvant, Majid n'a pas laissé indifférent le public oranais, loin s'en faut, puisque ce dernier a pris part activement à la projection en y laissant transparaître ses aspirations entre réactions et ressenti, bien souvent brillantes et naïves. Tout comme l'essence du film.