Des milliers de Soudanais ont célébré à coups de sifflets et de klaxons l'annonce vendredi par les autorités de la reprise de la ville de Heglig aux troupes sud-soudanaises. «Nous les avons battus par la force », a lancé le président Omar el-Béchir, en uniforme militaire, devant des milliers de partisans réunis au quartier général de l'armée à Khartoum. «Allah est grand », a crié la foule en arborant des drapeaux soudanais, selon les médias. Dans les rues menant au quartier général, des soldats ont levé leurs fusils en signe de victoire, alors qu'une personne a brandi en l'air un Coran, le livre saint des musulmans. Plusieurs rues de la capitale étaient bloquées par des dizaines de personnes qui défilaient en scandant des slogans à la gloire de l'armée. La tension entre les deux Soudans a culminé la semaine dernière avec la conquête le 10 avril par les troupes sud-soudanaises de la ville frontalière de Heglig, dont la production pétrolière représente la moitié des capacités du Soudan depuis la partition de juillet 2011. Khartoum a répliqué avec des raids aériens en territoire sud-soudanais, et une contre-offensive annoncée comme majeure sur le terrain. Alors que les affrontements ont fait craindre une nouvelle guerre civile, ceux-ci ont également réveillé le sentiment nationaliste au Soudan, en proie à une grave crise économique depuis la sécession du Soudan du Sud, qui détient désormais 75% des réserves pétrolières de l'ancienne entité. «Nos troupes ont pu libérer la ville de Heglig par la force, et l'ont reprise à 14H20 (11H20 GMT) aujourd'hui », a déclaré en uniforme à la télévision le ministre soudanais de la Défense Abdelrahim Mohammed Hussein. «Notre ennemi a subi de lourdes pertes humaines et matérielles ». Mais deux heures plus tôt, le président sud-soudanais, Salva Kiir, avait annoncé avoir donné l'ordre à ses troupes de se retirer, en affirmant avoir cédé aux pressions répétées de la communauté internationale. Selon des témoins à Khartoum, des imams ont, avant l'annonce la reconquête de Heglig, affirmé dans leurs prêches dans les mosquées que les efforts de libérer Heglig équivalaient «au Jihad (la guerre sainte) ». « Dieu envoie ce Jihad au peuple soudanais parce qu'il les aime », a lancé l'imam à la principale mosquée du centre de Khartoum, après avoir lu des versets coraniques sur la guerre sainte. Il a ajouté que l'économie soudanaise s'était développée durant les 22 ans de guerre civile, qualifiée elle aussi de «Jihad », entre Nordistes, arabes et musulmans, et Sudistes, essentiellement noirs et en majorité chrétiens, qui a pris fin en 2005 et abouti à l'indépendance du Soudan du Sud. Mais depuis la fin de la guerre, le pays est en proie à de nombreuses difficultés, en particulier économiques, «alors je pense que c'est une bonne chose que Dieu nous apporte le Jihad de nouveau », a ajouté l'imam. Depuis l'attaque sud-soudanaise contre Heglig, la télévision soudanaise a diffusé en continu des chants militaires et des images de la guerre civile, des chars avec des soldats souriants dans les buissons. L'armée soudanaise n'a fourni aucun bilan de ses pertes à Heglig, une région revendiquée par le Soudan du Sud même si elle est reconnu internationalement comme faisant partie du Soudan. Un journaliste qui s'est rendu dans la région a vu de nombreux cadavres et des chars calcinés.