L'armée soudanaise a lancé vendredi une contre-attaque pour reprendre la zone pétrolière contestée de Heglig, occupée par les troupes sud-soudanaises, malgré les appels internationaux à la retenue. Après trois jours d'intenses combats à la frontière entre les deux Soudans, le front avait semblé calme le matin jusqu'à un communiqué dans la soirée du porte-parole de l'armée soudanaise, Sawarmi Khaled Saad, annonçant l'offensive. «En ce moment, nous avançons en direction de Heglig » et nous sommes «tout près. La situation à Heglig sera terminée dans les prochaines heures », a assuré M. Saad à des journalistes à Khartoum. Un porte-parole de l'armée sud-soudanaise, Malaak Ayuen, a confirmé la contre-attaque, assurant qu'elle était attendue: «Oui, nous savons qu'ils avancent en direction de Heglig. Mais ce n'est pas un problème (...), qu'ils viennent! » Aucune des parties n'a fourni de bilan des combats des derniers jours, mais selon un soldat sud-soudanais à Bentiu, la capitale de l'Etat frontalier sud-soudanais d'Unité, «il y a tant de corps à la frontière, tant de morts, qu'il est impossible de les enterrer ou de les ramener ». Redoutant une nouvelle guerre, après le conflit dévastateur (1983-2005, 2 millions de morts) qui a abouti à la partition du Soudan en juillet 2011, les membres du G8 -Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Japon, Russie- ont appelé les deux pays à faire preuve de «retenue maximale » et à la « fin immédiate des bombardements des zones civiles ». Les deux Soudans ont en effet connu cette semaine leurs affrontements les plus violents depuis la partition, accompagnés d'une surenchère verbale, les deux présidents s'accusant mutuellement de chercher la guerre. Dès l'attaque sud-soudanaise sur Heglig mardi, la deuxième après une brève incursion fin mars, Khartoum avait promis de réagir «par tous les moyens » à cette «agression ». La région de Heglig, revendiquée par les deux pays, est d'autant plus stratégique pour Khartoum qu'elle referme la majeure partie de son pétrole. Le pétrole est un point de contentieux majeur: le Soudan du Sud dispose de la majorité des réserves mais dépend des infrastructures du Nord pour exporter, et les deux pays ne parviennent pas à s'entendre sur des frais de transit qui permettraient un partage de ces revenus essentiels pour leurs économies. Depuis la partition, l'incapacité à résoudre par la négociation cette question et d'autres cruciales comme le tracé de la frontière ou le statut de leurs citoyens réciproque ont accru les tensions. Jeudi, l'ONU, l'Union africaine et l'Union européenne ont à nouveau appelé le Soudan du Sud à évacuer Heglig, mais les autorités de Juba ont posé des conditions, en particulier un retrait de l'armée soudanaise de la province d'Abyei, voisine de Heglig et également revendiquée par les deux pays. Le Soudan du Sud a également dénoncé une multiplication des bombardements aériens soudanais sur le nord de son territoire. Jeudi, les autorités de la région d'Unité avaient dénoncé un bombardement sur leur capitale Bentiu. Cette frappe, si elle est avérée, serait la première de l'aviation soudanaise sur une localité d'importance depuis l'indépendance du Soudan du Sud. Ces mêmes autorités n'ont en revanche signalé aucun raid soudanais vendredi. A New York, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont à nouveau exprimé «leur inquiétude grandissante devant l'escalade du conflit » qui «menace de faire replonger (les deux pays) dans une véritable guerre ». Le coordinateur humanitaire de l'ONU au Soudan, Ali Al-Za'tari, a fait part de sa «profonde inquiétude concernant l'impact sur les civils de la récente escalade dans la zone d'Heglig ».