Les mesures draconiennes entreprises par l'ANP finiront par avoir raison de cette organisation criminelle Toute la région du Sahel est contrôlée par des groupes armés avec la collusion des réseaux criminels spécialisés dans le trafic d'armes et de drogue. Avant le 11 septembre 2006, date à laquelle Ayman Al Zawahiri annonçait l'allégeance du Gspc à l'organisation criminelle de Ben Laden, donnant ainsi naissance à Al Qaîda au Maghreb islamique, la région du Sahel qui s'étend de la mer Rouge à l'Atlantique était progressivement investie par des groupes armés disséminés un peu partout et qui tentaient de faire croire au monde qu'ils étaient puissants. En Somalie, les élément du Shebab émergeaient du chaos institutionnel et occupaient un terrain abandonné par un Etat déliquescent. Au Niger, des groupuscules armés alliés aux contrebandiers tentaient d'imposer leur loi sur un territoire aussi vaste que le Portugal. Et au Mali, la rébellion touarègue hostile au gouvernement central menaçait de rompre les Accords d'Alger dans un contexte marqué par l'émergence des éléments activant sous la coupe de Mokhtar Benmokhtar. Ce dernier avait réussi à tisser des liens étroits avec des tribus touarègues, qui lui permettent aujourd'hui de tirer profit de son ancrage dans cette zone. Actuellement, c'est toute la région du Sahel qui est tombée sous le contrôle exclusif de groupes armés qui agissent en toute liberté et de concert avec une multitude de réseaux criminels spécialisés dans le trafic d'armes, de drogue, mais aussi dans le domaine de l'immigration clandestine. Devenus très actifs et plus nombreux, ces groupes que l'on classe sous l'étiquette d'«islamistes» sont devenus très actifs depuis la guerre survenue en Libye ayant conduit à l'assassinat du colonel Mouamar El Gueddafi. L'une des conséquences qui traduisent la situation chaotique que vit le Mali, à l'ombre d'une prolifération à outrance d'armes et de munitions. Le forcing de l'ANP Le coup d'Etat opéré par des putschistes dans ce pays n'a fait que compliquer la situation et a offert des opportunités à d'autres groupes armés dont les plus réputés sont les extrémistes, occupant depuis la fin mars-début avril le nord du Mali. Jusqu'à présent personne n'a été en mesure de donner avec exactitude le nombre d'éléments adhérents à ces groupes. Ils sont principalement issus du Sahel, du Maghreb, de la Mauritanie et de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Néanmoins, avait annoncé le président nigérien Mahamadou Issoufou, leurs formateurs sont des Afghans et des Pakistanais. Al Qaîda au Maghreb islamique, dirigée par Droukdel qui dispose d'une base logistique importante au nord du Mali, semble, de ce fait, la mieux armée sur tous les plans. Cette organisation épousant le modèle irakien avait, dès son allégeance à Al Qaîda en 2007, commis une série d'attentats suicides en Algérie, qui feront réagir le Conseil de sécurité de l'ONU pour déterminer que «tout acte de terrorisme est un crime injustifiable, quels qu'en soient les auteurs, les motifs, le lieu et le moment où il est commis». Les mesures draconiennes prises par l'ANP finiront par avoir raison de cette organisation criminelle qui trouvera refuge au Sahel, plus précisément au Nord-Mali d'où elle opère en organisant régulièrement des attaques et enlèvements d'Occidentaux dans plusieurs pays du Sahel. Les nouvelles donnes au Sahel ramèneront Mokhtar Benmokhtar à reprendre du service et à s'autoproclamer chef suprême d'Al Qaîda au Maghreb, un véritable empire du désert qui compte défier l'organisation d'Ansar Eddine. Benmokhtar a-t-il l'intention de narguer son frère ennemi et son rival mortel, Abdelmalek Droukdel qui n'avait pas manqué d'initier ses sbires à se soumettre aux ordres d'Iyad Ag Ghaly, chef d'Ansar Eddine? Ce n'est pas impossible, nous confient des sources très au fait du dossier sécuritaire, allant jusqu'à dire que les deux parties peuvent s'entre-tuer. Pour nos sources, il s'agit de la loi du plus fort. Iyad Ag Ghaly, ex-militaire et ex-figure des rébellions touarègues des années 1990 au Mali, chef d'Ansar Eddine prônant l'application de la charia dans tout le Mali, se laissera-t-il dominer par Benmokhtar? Les prochaines semaines détermineront d'autres donnes au Mali! MBM dans un imbroglio Dans cette effervescence, les Shebab somaliens alliés d'Al Qaïda auront-ils à choisir leur camp, surtout qu'ils font l'objet d'une pression militaire accrue depuis quelques mois, les ayant contraints à quitter Mogadiscio? Certes, ils contrôlent toujours le deuxième port le plus important du pays, mais ils sont pris dans l'étau d'une offensive armée régionale des troupes éthiopiennes et kényanes qui se sont lancées à leur poursuite en soutien des troupes gouvernementales, et de la force de l'Union africaine présente en Somalie. Depuis sa décision d'intervenir militairement en Somalie en octobre 2011, le Kenya a subi une série d'attentats attribués systématiquement par Nairobi aux islamistes somaliens Shebab. Ces derniers, ont revendiqué en juillet 2010 un double attentat ayant fait 76 morts à Kampala, en Ouganda. En février, ils étaient estimés globalement entre 5000 et 8000 hommes, dont environ 2000 seraient des réguliers, bien entraînés et prêts au combat. Qui de Benmokhtar ou de Ag Ghaly aura-t-il le dernier mot dans cette dure guerre de leadership visant à rallier les Shebab à sa cause? «Tous ceux qui ne sont pas sur la voie d'Allah (Dieu) sont des mécréants. (...) Nos ennemis sont les mécréants et les polythéistes» comme les «Occidentaux incultes», affirmait récemment Ag Ghaly sur les ondes d'une radio locale de Tombouctou, mythique ville sous contrôle d'Ansar Eddine comme Kidal son fief. Le groupe a des liens avec des cellules d'Aqmi dont des combattants l'appuient et il est désormais ouvertement soutenu par des chefs d'Aqmi. Dans cet imbroglio, on voit très mal comment Benmokhtar pourra-t-il damer le pion à Ag Ghaly, lorsque l'on sait que des suspicions de liens avec les services algériens pèsent sur l'ancien émir du Gspc. En effet, Benmokhtar semble définitivement «grillé» sur ce plan. Ses rivaux d'Ansar Eddine et du Mujao présentés comme une excroissance d'Al Qaîda seraient mieux placés pour élargir leur alliance aux Shebab somaliens et à Boko Haram, le groupe extrémiste nigérian. La tendance terroriste est aujourd'hui à l'africanisation, soulignent de nombreux observateurs de la scène terroriste. Ils estiment que l'hostilité manifestée particulièrement par le Mujao contre l'Algérie exprime tout à fait la détermination de la nébuleuse à se soustraire de toute influence algérienne. Dans ce contexte, on s'achemine tout droit vers une alliance Ansar Eddine-Mujao-Boko Haram-Shebab d'où Benmokhtar sera automatiquement exclu.