Ces comités de villages peuvent être de véritables leviers pour une démocratie participative authentique Sur le terrain, la situation est très critique. Une autre dictature est en train de s'installer. L'Etat doit intervenir pour sauver les citoyens de certains maires. Au mois d'octobre, les villages s'animent. Les volontariats s'activent pour ouvrir les pistes, restaurer les caniveaux et les ponts, nettoyer les cimetières, refaire les cours d'eau en prévision des premières pluies et également l'organisation des «Timechret», rituel ancestral de début de saison des labours. La coutume est aussi clôturée par un grand couscous qui réunit tous les villageois. L'organisation villageoise, s'articulant sur une personne déléguée par ses concitoyens et à qui l'aval est donné de facto pour choisir son équipe, était la norme partagée de la démocratie participative d'antan. Si l'«Amin n'tadarth» (chef du village) est élu par voie de consensus, «Tamen» délégué du quartier, lui, est désigné par les habitants dudit quartier. Aujourd'hui, sur le terrain, la volonté de sauvegarder cette pratique demeure intacte, mais les moyens et les méthodes n'arrivent pas encore à intégrer le milieu. L'élection des membres des comités de villages butent toujours sur l'absence du consensus. Un consensus, base de toute légitimité autrefois, est remplacé par la majorité qui n'est pas reconnue par toutes les familles composant le village. La difficulté réside donc dans le mode de choix. La manière d'appliquer la démocratie. Mais, en fait, qu'en est-il exactement à travers les villages? Des témoignages recueillis sur les places des villages renseignent clairement sur les difficultés rencontrées. Les maires et les élus font peur. Les gens refusent de critiquer en dévoilant leur identité. La population est terrorisée par certains partis. «Certains membres du comité ne voient que l'intérêt de leur parti politique. Des réunions tous les vendredis et des promesses jusqu'aux élections, puis, on ne les revoit plus. Je vais vous dire plus grave. Un parti très connu dans la région possède une police politique. Certains membres du comité transmettent au maire tout ce qui se dit sur la place du village. Ce sont de véritables agents. Tu critiques le maire, et tu te retrouves avec des problèmes à l'état civil. C'est grave pour la démocratie», assène Ali, membre d'un comité qui refusait de donner son identité. En effet, beaucoup de témoignages convergent vers l'utilisation malsaine des structures ancestrales par certaines APC. «Certains présidents de comités de villages se retrouvent actuellement sur les listes de candidatures de ce parti pour services rendus. D'autres membres de comités en ont profité, en jouant les taupes, pour bénéficier d'une aide au logement rural. D'autres ont bénéficié de bitumage de piste jusque devant leur maison. Après, ils ont cessé d'être membres», ajoute Rabah, un autre jeune villageois. En fait, il a été vérifié un constat très grave. Les gens ont peur de critiquer certains maires. «Je veux rester anonyme parce que je crains de perdre mon aide à l'habitat rural et, qui sait, que l'état civil ne me délivre plus de documents. Vous parlez de comité pour la gestion participative? Appelez cela plutôt dictature de petits maires», assène un autre jeune universitaire qui ne retourne plus dans son village à cause de problèmes avec les membres du comité. En effet, l'approche des élections locales a eu le mérite de révéler des pratiques très graves. Du chantage sur les citoyens au point où un droit est vu comme une faveur du maire. «Nous n'avons pas connu cette dictature du temps des gardes champêtres des années soixante. Maintenant, avec ce parti, c'est pire. Des citoyens pistent d'autres citoyens. Des villageois mettent sur écoute d'autres villageois. C'est du terrorisme au nom de la démocratie», explique un autre villageois. Sur le terrain, la situation est très critique. Une autre dictature est en train de s'installer. L'Etat doit intervenir pour sauver les citoyens de certains maires. Après la mise à mort du mouvement associatif par les mêmes acteurs, c'est au tour de ces structures villageoises de subir le même sort. Pourtant, ces comités de villages peuvent être de véritables leviers pour une démocratie participative authentique. Mais, hélas, vu l'usage qu'en font certains maires véreux, ces comités de villages deviendraient des instruments très efficaces pour la dictature.