Depuis la nuit des temps, les Berbères fêtent Yennayer. Selon une coutume bien ancrée dans les esprits, cette fête qui couronne l'entrée de l'année grégorienne, est considérée aussi comme le jour de l'An chez les Romains, ainsi que chez certains peuples du Bassin méditerranéen. Ce qui fait dire à plus d'un, que l'inauguration de la nouvelle année grégorienne n'est pas propre aux Berbères, et qu'avec le temps elle s'est même étendue à certains pays de l'Amérique latine. Quelques vestiges retrouvés chez les Mayas témoignent encore de certaines coutumes similaires. A l'époque de la Grèce antique, et même chez les Pharaons, l'entrée d'une nouvelle ère est toujours fêtée dans l'allégresse. Les festivités se préparent des mois à l'avance, et dans les villages les plus éloignés, les paysans élevaient des poules et se mettaient à chasser toutes sortes de gibiers qu'ils conservaient dans du sel et ne consommaient qu'au début de la nouvelle année. Dans l'ancienne Numidie, les Berbères ont tenu à faire de cette journée un événement exceptionnel. Des parties de chasse étaient programmées des mois à l'avance, et malgré la rudesse du temps, des sorties en plein air et des randonnées permettaient aux familles d'aller cueillir les olives, et les fruits de saison afin de préparer le jour venu, un dîner digne de la nouvelle année. Les enfants n'étaient pas en reste, et les plus vieux s'empressaient de les gaver de sucreries, de miel, et de toutes sortes de friandises. Un peu plus sages, les vieilles préparaient la veillée, et devant un grand feu de bois où grillaient des glands et des fèves, elles se mettaient à narrer les plus vieux contes qu'elles connaissent. Les ogres, et Tsighiel, la grande ogresse connue pour ses méfaits auprès des enfants qui ne sont pas sages, viennent agrémenter ces récits qui ne se terminent qu'une fois les enfants bien endormis et la soirée bien avancée. De nos jours, les coutumes tendent à disparaître, ou à changer. D'ailleurs, dans la région de Béjaïa, ce sont plutôt les gens de la vallée de la Soummam qui conservent plus ou moins ces coutumes, ou ce qu'il en reste. Quelques paysans s'approvisionnent au marché du village où ils font des emplettes pour tous les membres de leur famille. Les enfants en premier, bien sûr, et comme pour Noël, les plus sages auront droit aux cadeaux et friandises...Les ne seront pas oubliées, et les plus vieilles recevront des présents symboliques : morceaux de tissus, foulard, henné, etc. Les plus jeunes, elles, vont devoir préparer le dîner du jour. Ce dernier composé d'un couscous au poulet, enrichi de légumes frais, sera présenté aux invités et membres de la famille qui viennent passer la soirée du nouvel An. Une coutume ancestrale est strictement observée du reste par tous les villageois: elle consiste à déposer une assiette de couscous et d'un morceau de poulet au seuil de la porte de chaque maison. La légende parle de Tamgharth Yennayer, qui vient réclamer sa part de dîner. Au matin, si on retrouve l'assiette vide, c'est de bon augure. L'année sera bonne pour la récolte, et la famille concernée est bénie par les génies bienfaiteurs. Si la neige tombe aussi ce jour-là, les paysans se frottent les mains, car la prochaine récolte sera meilleure que celle de l'année précédente. Bien entendu, les coutumes diffèrent d'une région à une autre, et d'une famille à une autre, il n'empêche qu'avec la modernité, ces fêtes ancestrales tendent à se simplifier. Les familles de nos jours ne pensent plus à fêter Yennayer comme dans l'ancien temps. Le plus souvent, le rite se résume à un simple couscous au poulet et à quelques friandises pour les enfants. Dans quelques foyers plus conservateurs, les préparent aussi des beignets ou des crêpes pour le premier petit déjeuner de l'année. Yennayer... une fête, une tradition, et une coutume bien de chez-nous, qui fera toujours partie du patrimoine culturel algérien.