Dioncounda Traoré et son gouvernement semblent vouloir régler des comptes avec les rebelles touareg Les mandats d'arrêt nationaux et internationaux lancés par le parquet de Bamako visent 26 personnes dont les principaux responsables des groupes islamistes armés et des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla). A quoi joue le gouvernement malien? La décision, vendredi dernier, du procureur général près la cour d'appel de Bamako de lancer des mandats d'arrêt à l'encontre de chefs touareg, est-elle souveraine, ou obéit-elle à un agenda prédéfini par les puissances qui convoitent la région du Sahel? D'autant plus que c'est au moment où l'offensive des forces maliennes appuyées par les forces françaises et tchadiennes se poursuit dans les région de Kidal et Aguelhok - à quelques encablures de la frontière algérienne - que le voisin du Sud opte pour l'escalade. Pourtant, au lieu de contribuer à une solution pacifique, en faveur, aussi bien du respect des revendications du Mnla, que de l'intégrité territoriale du Mali, Dioncounda Traoré et son gouvernement semblent vouloir régler des comptes avec les rebelles touareg. Prétextant le renforcement des mesures de sécurité et la lutte contre les groupes terroristes, l'armée malienne risquerait dans les jours à venir de semer le chaos dans la région. Plus grave encore, faire l'amalgame entre un mouvement politique pacifique et revendicatif avec le Mujao ou Ansar Eddine, ne joue pas en faveur de la paix. Pis, la distinction faite entre Arabes, Touareg par les officiels maliens, ne vise-t-elle pas à élargir le fossé ethnique et à accentuer la descente aux enfers? Par ailleurs, les mandats d'arrêt nationaux et internationaux lancés par le parquet de Bamako visent 26 personnes, dont les principaux responsables des groupes islamistes armés et des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla), accusés, notamment de «terrorisme» et de «sédition». Pourtant, le 31 janvier, le président Dioncounda Traoré avait estimé que le seul interlocuteur touareg pour Bamako dans les négociations politiques à venir serait le Mnla. La démarche malienne risque de compromettre la recherche d'une solution politique pour la crise au Nord-Mali. Le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA), dissident d'Ansar Eddine, reproche à Bamako sa détermination «à piéger la solution politique tant prônée par la communauté internationale». «Nous disons que cette attitude est une marque d'ingratitude vis-à-vis de son sauveur, la France, qui s'est fait le devoir de régler le problème malien dans sa globalité par une intervention militaire, mais aussi par la voie du dialogue politique», a déclaré le MIA, hier dans un communiqué signé par le chef du groupe, Alghabasse Ag Intalla, objet d'un mandat d'arrêt. Qu'est-ce qui justifie donc cette volte-face? La décision du parquet malien laisserait entendre que des chefs touareg du Mnla, qui s'étaient démarqués de l'action des groupes terroristes, ne seront pas épargnés par la traque des soldats maliens. Ces derniers iraient-ils jusqu'à poursuivre des chefs du Mnla en territoire algérien ou mauritanien? Ainsi, et au lieu de s'occuper des groupes terroristes qui sèment le chaos à Gao, quelques jours seulement après le départ des troupes françaises, l'armée malienne semble s'être trompée de cible. D'ailleurs, deux jeunes portant des ceintures bourrées d'explosifs ont ainsi été arrêtés samedi matin à 20 kilomètres au nord de Gao, au lendemain du premier attentat suicide au Mali, survenu dans cette même ville située à 1200 km au nord-est de Bamako et récemment reprise aux groupes islamistes armés. Le Mujao avait affirmé jeudi avoir créé «une nouvelle zone de conflit», promettant d'attaquer des convois, de poser des mines et «d'organiser des kamikazes». C'est à ces groupes que l'armée malienne doit faire la guerre, mais pas à un mouvement politique qui est allé jusqu'à surseoir à sa revendication autonomiste pour contribuer à résorber la crise au Mali. Sur le front interne, les autorités maliennes ont fort à faire pour parvenir à faire régner le calme, au lendemain d'affrontements entre une unité de bérets rouges acquise au président déchu, Amadou Toumani Toure et d'autres factions militaires.