La soirée a été marquée par la projection du film documentaire, Safia une histoire de femme. «Merci pour le prix, mais le plus important pour moi est de penser aux gens qui sont en guerre, en situation difficile, donc c'est pour cela que j'ai lu ce poème parce que le combat continue voilà», nous a déclaré, en aparté, mercredi soir Habiba Djahine, récipiendaire cette année du prestigieux Prix de la fondation Prince Claus d'Amsterdam pour la culture et le développement. «Tunis, Le Caire, Tripoli, Damas, Amman, Alger, Casablanca... De quel silence demain sera-t-il fait? Quels seront nos bruits de fond? De quelle couleur seront nos solitudes? Nous avons construit des villes pour être assiégés: Des maisons pour être assignés à résidence; Des idéaux pour nous assassiner Des refus pour remplir le ciel d'un vacarme assourdissant. Où sont nos villes; Où sont nos hommes, nos femmes, nos enfants, nos vieilles et nos vieillards Où sont-ils? Nous avons si bien appris à être des martyres Que rien d'autres ne semble nous émouvoir. Les vivants sont là! Abasourdis, coupables, silencieux ou bavards. Les vivants sont là dans tous les pays... Ils partent, ils crient, ils pleurent, ils meurent. Nous avons si bien appris le chemin des cimetières à scandale. Que plus rien ne semble interrompre la procession», c'est donc avec ce poème et ces mots pleins de sens et d'engagement que l'ecrivaine et réalisatrice a tenu à remercier l'assistance dans ce petit, mais néanmoins charmant théâtre de l'ambassade d'Italie où a eu lieu la cérémonie de remise de prix, rehaussé d'un dîner et d'un orchestre de musique chaâbi. La soirée a été marquée, en outre, par la projection du film documentaire de Habiba Djahine, Safia une histoire de femme, narrant le combat d'une femme laissée-pour-compte dans la société algérienne machiste. Safia, cette femme longtemps violentée par son mari, a osé brisé le mur du silence et parlé, avec courage et fierté.. Un film bouleversant qui, s'il met le doigt sur un sujet sensible celui de la violence faite aux femmes, il en dévoile aussi une grande part de carence, à savoir le cruel vide juridique qui entache nos lois algériennes en ce sens. Le film de Habiba nous introduit avec discrétion dans l'univers chargé et bouleversant de cette femme pour qui, vivre au quotidien est un combat, sacrifiant ainsi ses années de femme pour l'amour de ses enfants. Prenant la parole lors de cette cérémonie, Fariba Derakhshani, coordinatrice du programme du Prix de la Fondation Prince Claus a tenu également à rendre hommage à l'esprit indépendant de Habiba, aspirant au changement. «Ce Prix récompense le travail exceptionnel de ces hommes et femmes qui font changer les choses», a-t-elle noté, faisant remarquer que l'Algérie peut se targuer d'avoir été honorée par trois fois du Prix de la Fondation Prince Claus. D'abord en 2009, en récompensant ainsi le comédien et humoriste Mohamed Fellag, en 2010, la maison d'édition Barzakh représentée au cours de cette soirée par Selma Hallal qui avait reçu le Grand Prix du Prince Claus et aujourd'hui, «nous célébrons une militante d'exception dans le combat au cinéma, Habiba Djahnine», a conclu Mme Fariba Derakhshani.