Il est certes évident que la violence envers les femmes est un phénomène mondial. Mais chaque société a sa propre histoire avec la violence. Le drame est certes général, la douleur aussi, mais le combat est différent. Lorsque les femmes sortent de leur silence, c'est parce qu'elles ne peuvent plus vivre dans la peur… dans la terreur. Elles disent stop à l'avilissement. Elles sortent de leur silence pour retrouver leurs droits humains, pour protéger leurs enfants traumatisés. À l'occasion de la journée contre la violence faite aux femmes, le réseau Wassila (réseau de réflexion et d'action en faveur des femmes et des enfants victimes de violence) a organisé avant-hier soir, à la Filmathèque Mohamed-Zinet, la projection du court-métrage documentaire Safia, histoire de femme, de Habiba Djahnine. Avec beaucoup de pudeur et de retenue, la réalisatrice a introduit les spectateurs dans l'univers de Safia, une femme violentée, durant longtemps, par son mari. Cette femme, mère de quatre enfants, a été victime de violences conjugales (physiques et morales), mais elle a refusé son statut de victime ; elle n'a pas eu peur d'affronter son “bourreau”, de se battre contre lui pour préserver ses enfants et leur avenir. En se livrant et en racontant ses déboires, se dessine tout le combat d'une femme pour retrouver son honneur, sa liberté, elle qui a confié à la réalisatrice qu'elle a recommencé à vivre le jour où son divorce a été prononcé. Au fil des confidences, se dresse le portrait d'une femme courageuse, éveillée, consciente et consciencieuse qui n'a pas hésité à demander de l'aide, à prendre contact avec le réseau Wassila, afin d'être accompagnée dans ses démarches qui ont été nombreuses (elle a déposé plus de 20 plaintes). Safia a frappé à toutes les portes – elle est même partie voir le P/APC –, elle a engagé plusieurs procédures et a fini par obtenir gain de cause. Elle a obtenu le divorce, et son mari a fini par être puni. Safia pense à présent à l'avenir de ses enfants. Durant le débat où la réalisatrice ainsi que Safia étaient présentes, les intervenants ont relevé l'insuffisance des “lois qui protègent les femmes”, signalant “un vide juridique”. L'assistance a également évoqué l'absence de chiffres exacts, concernant les femmes qui subissent des violences, puisque beaucoup d'entre elles ne dénoncent pas ces comportements inhumains et préfèrent souffrir en silence. En tout cas, ce qui est fascinant chez Safia, c'est qu'à aucun moment elle ne ressent de la culpabilité, à aucun moment elle ne doute de la justesse de ses choix. Safia, qui a contracté aujourd'hui une maladie grave du fait des violences subies, nous a réappris, le temps de confidences, ce que ça voulait dire avoir de l'honneur. Sara Kharfi