Pour un partenariat culturel solide entre l'Algérie et la France «on cherche des projets dans une approche de réciprocité. Le Mucem sera très désireux de construire des projets avec l'Algérie, à condition qu'il y ait de l'intensité et de la sincérité», a indiqué l'invité français. Celui qui aura assisté, samedi dernier, à la rencontre, à l'IFA, animée par Thierry Fabre (responsable du développement culturel et des relations internationales au sein du Mucem) aura apprécié en exclusivité quelques tableaux parmi les 400 oeuvres qui vont composer l'expo «Le noir et bleu, un rêve méditerranéen» qui inaugurera officiellement le Mucem (Musée des civilisations et cultures méditerranéennes), en juin prochain, à l'occasion de l'événement «Marseille-Province, capitale de la culture européenne 2013». Une exposition qui s'étalera sur les 1 500 m2 que comprend ce musée de haute facture qui révèleront pour loccasion, notamment, les somptueuses toiles de Goya et Miro. Goya qui a su, dira notre interlocuteur, «voir le démon de la violence qui s'est exercée dans la guerre d'Espagne». Une expo qui se veut ainsi questionner cette «relation au noir, à la nuit, à la violence, la destruction et la haine sans pour autant la célébrer». Cette grande exposition sera articulée sur plusieurs axes, en 12 temps forts dont un tour de la Méditerranée au XVIIIe siècle, les grandes conquêtes de la Méditerranée, notamment par Bonaparte en Egypte et la colonisation française en Algérie à travers des images, mais aussi des manuscrits, des gravures, des documents et coupures de journaux, des extraits de livres (scènes des enfumades dans L'Amour, la fantasia de Assia Djebar etc) et des représentations de différentes figures à l'instar de l'Emir Abdelkader, Fatma N'soumer, Jacques Berque, etc. Cette exposition nous fera immerger également dans l'univers des Saint-Simoniens (des utopistes qui sont les premiers à avoir imaginé la Méditerranée comme un ensemble). Autres chapitres qui composeront cette grande exposition: l'invention scientifique de la Méditerranée, les antiques, Marseille et la villégiature, Marseille et le tourisme, le cosmopolitisme, l'aventure du canal de Suez. «La Méditerranée, un rêve partagé?» est un autre segment de cette expo, lequel sera décliné à travers trois figures: Nietzsche, Paul Valéry et Taha Hossein. Aussi, le fascisme aura droit de cité, la mafia noire sans oublier la Méditerranée revisitée par les poètes et les artistes (Baya, Jean Sénac, etc). On y retrouvera particulièrement l'Algérie dans les images «Fracas des nations et des gens», à travers notamment les figures de Germaine Tillion, les massacres de Sétif, mais aussi dans la partie «Méditerranée des années noires» avec l'évocation de la tragédie nationale à Alger, aux côtés de la guerre à Beyrouth, Sarajevo et Jérusalem. On retrouvera ici la fameuse vidéo d'art de Amar Bouras qui retrace en images les années de terrorisme avec l'effigie de Boudiaf et des coupures de presse sur les événements sanglants, mais aussi Zinedine Bessai et son incroyable carte géographique de la harga qui évoque si bien cette notion de mobilité dans la mer Méditerranée. «Installer des relations naturelles avec les pays qui bordent la Méditerranée est tout le propos de cette expo et l'objectif de par la construction de ce musée», dira Thierry Fabre qui qualifiera cela d'«une salve d'avenir» selon un poème de René Char. Reprenant cette fin de citation en direction de Marseille, il dira «la Méditerranée, là est sa chance, là est son avenir» et en la paraphrasant, il exhortera l'Algérie et les Algériens à y saisir cette chance s'ils le veulent... A propos des relations conflictuelles, du moins pas toujours claires entre la France et l'Algérie, l'hôte de l'IfA, qui fera remarquer, en préambule que les relations entre deux pays peuvent être, nonobstant politiques et diplomatiques, économiques mais aussi culturelles, d'où l'existence de ce musée. Il dira qu'il «faut regarder le noir en face, d'où le besoin de liens culturels qui donnent du sens et visage au chaos, et peut-être, du moins entre Alger et Marseille, fera changer les choses. Dans le repli identitaire chacun a sa part de responsabilité dans ce chemin...» et d'ajouter serein: «On cherche effectivement des projets dans une approche de réciprocité. Il y a une très grande richesse à Alger qui mérite d'être connue à Marseille. Le Mucem est un Musée national, mais à vocation internationale. «Le Mucem sera très désireux de construire des projets avec l'Algérie, à condition qu'il y ait de l'intensité et de la sincérité.» Dans son allocution d'ouverture, Thierry Fabre a, avant d'aborder le volet de cette expo «Bleu noir» (troisième prise de sa communication), a tenu à rappeler comment s'est constituée l'histoire de Marseille au coeur de la Méditerranée. Il abordera dans un premier temps les prismes des revues notamment, celles des Cahiers du Sud, qui appréhendent la Méditerranée à travers les récits. Dans un second temps, il évoquera les «Rencontres d'Averroès» qui fêteront cette année leur 20e édition. Un événement dit-il qui tente à décrypter «comment les Marseillais se définissent avant tout», sachant que cette ville hautement cosmopolite, est «marquée de beaucoup de non-dits et faite aussi de violence et de haine, de rejet politico-identitaire avec la forte présence du Front national. Elle est toutefois connectée charnellement au monde méditerranéen». Enfin, il s'interrogera de ce fait sur la notion de méditerranéïté de Marseille en vue de savoir «comment arriver à construire un monde commun à partir duquel on peut vivre ensemble. Cela passe, entres autres, par des signes culturels. C'est dans cette optique que s'inscrit l'événement Marseille-Province 2013» a-t-il conclu.