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Le Qatar en perte de vitesse
ECHEC DE SA POLITIQUE DIPLOMATIQUE ET MEDIATIQUE DANS LE MONDE ARABE
Publié dans L'Expression le 14 - 07 - 2013

L'émir cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani et son fils Tamim
L'un des plus grands enseignements de la crise en Egypte, c'est la perte de vitesse sur le plan diplomatique du Qatar dans la région du Moyen-Orient, au profit des Saoudiens alliés traditionnels des Etats-Unis.
Dès la chute du président égyptien Morsi, ce sont les Saoudiens qui ont été les premiers à féliciter le nouveau pouvoir en Egypte, suivis dans leur action par les Koweïtiens et les Emirats arabes unis, concurrents direct du Qatar dans le développement de la région du Golfe. Les Qataris qui ont été diplomatiquement et médiatiquement les soutiens du président Morsi et de son mouvement des Frères musulmans, semblent perdre du terrain sur la scène régionale au profit du grand frère l'Arabie Saoudite qui a repris l'initiative dans le dossier de l'Egypte. L'Arabie Saoudite, les Emirats et le Koweït ont annoncé une aide de 12 milliards de dollars destinés au Caire: cinq milliards des Saoudiens auxquels s'ajoutent trois milliards des Emiratis et quatre des Koweitiens. Le Qatar, qui n'a pas offert un dollar au nouveau gouvernement du Caire avait versé plus de sept milliards de dollars à l'Egypte durant l'année de présidence de Mohamed Morsi. Les autres pays du Golfe étaient restés à l'écart des difficultés économiques du pays, craignant l'influence potentielle des Frères musulmans auprès de leurs propres populations. Les Saoudiens soutiennent le parti salafiste al-Nour, deuxième force islamiste du pays. Courtisé par l'armée, qui a renversé Mohamed Morsi avec l'appui de la rue, al-Nour revendique aujourd'hui 800.000 membres, autant que la confrérie fondée en 1928 par Hassan al Banna. C'est donc un véritable revers diplomatique pour le Qatar, qui était devenu le leader dans la région depuis 2011, suite aux révolutions arabes et l'influence de sa puissante télévision Al Jazeera. L'échec de la révolution en Syrie et son pourrissement sur le terrain, a fortement nui à la politique du Qatar dans la région. Le Qatar avait véritablement perdu le leadership dans la région et outrepassé ses limites en soutenant clairement les Frères musulmans en Egypte, en Syrie, en Libye et en Tunisie. Depuis quelques années Doha était devenu la Mecque des partis politiques issus des Frères musulmans et une terre d'asile pour toutes les personnalités religieuses et politiques islamistes modérées. Au moment où l'Arabie Saoudite faisait la promotion des groupes salafistes, plus portés sur des questions religieuses comme le port du voile islamique ou l'interdiction de la mixité. Le roi Abdallah d'Arabie a d'ailleurs rappelé son refus de toute utilisation de l'Islam à des fins politiques. Cette position du Qatar intervient au moment où le pays a vécu un important changement de pouvoir à Doha et un net recul de l'influence d'Al Jazeera dans le Monde arabe. L'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, qui avait abdiqué au profit de son fils, Tamim, a conduit surtout la chute d'un homme-clé du régime à Doha le puissant Premier ministre cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al Thani, (plus connu sous les initiales HBJ) qui occupait ce poste depuis 2007 et qui était également ministre des Affaires étrangères. Ce dernier qui avait joué un rôle déterminant dans l'appui aux révolutions arabes, a été totalement effacé de la gestion du dossier égyptien. Le nouveau gouvernement au Qatar, version Tamim, a réagi timidement au changement en Egypte, préférant laisser sa télévision Al Jazeera reprendre le dessus sur le plan médiatique. Mais c'était sans compter sur l'armée des télévisions égyptiennes publiques et privées qui ont toutes adopté un point de vue anti-Morsi, surtout après la fermeture des télévisions proches du mouvement des Frères musulmans. La propagande égyptienne était soutenue dans cette guerre médiatique contre Al Jazeera par la chaîne al-Arabiya, télévision à capitaux saoudiens et qui constitue depuis le début de la crise le contrepoids à l'influence d'Al Jazeera au point d'être surnommée par ses détracteurs al-Ibriya (la juive). Mais ce qui ternit l'image d'Al Jazeera dans son traitement de la crise égyptienne, c'est le départ de 22 employés de l'équipe égyptienne de la chaîne Al Jazeera. Certains ont critiqué la façon dont ont été présentées les manifestations anti-Morsi, estimant que le parti politique des Frères musulmans avait une trop bonne image à l'antenne. Outre les employés en Egypte, quatre cadres supérieurs d'Al Jazeera ont démissionné au siège de la chaîne, situé à Doha, pour les mêmes raisons. L'image de la télévision des révolutions arabes Al Jazeera a été une nouvelle fois mise à mal quand un représentant de la chaîne qatarie a été expulsé par des journalistes égyptiens de la Conférence de presse du commandement militaire égyptien, quelques heures après des violences qui ont fait 51 morts. Mais au-delà de tous ses faits et selon certains observateurs du dossier, cette position effacée du Qatar face à l'Arabie Saoudite est peut-être voulue par le nouveau homme fort du Qatar, l'émir Tamim. Dès son intronisation, la voix de l'imam Qaradhawi, (la voix la plus influente dans le message politique du Qatar à l'extérieur) qui est intervenue à plusieurs reprises lors des révolutions arabes, pour soutenir les opposants islamistes en Tunisie, en Libye et surtout en Syrie, s'est bizarrement éteinte, augurant semble-t-il une nouvelle page des relations diplomatiques entre Doha et les capitales arabes touchées par les anciennes et les nouvelles révolutions.


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