Accusés de laxisme, les Américains sont sur la défensive. Une véritable catastrophe a frappé le peuple irakien le jour de l'Achoura marqué par des attentats multiples contre la communauté chiite à Kerbala et à Bagdad. Selon les autorités irakiennes le bilan s'établissait en fin de soirée de mardi à 112 morts et 235 blessés à Kerbala, alors qu'il était de 70 morts et 321 blessés à Bagdad. Toutefois, «ce bilan peut s'alourdir» prévient le ministre de la Santé du Conseil transitoire de gouvernement, Khodayyir Abbas. Avec près de 200 morts et 500 blessés, les attentats du mardi de l'Achoura sont les plus meurtriers commis en Irak depuis la chute de Saddam Hussein. Quoique contenue, la colère est perceptible chez les différents responsables religieux irakiens, -chiites et sunnites confondus-, qui accusent la coalition américano-britannique de laxisme. Cependant pour ces mêmes responsables, l'urgence aujourd'hui est d'abord de calmer la population afin de prévenir une confrontation interconfessionnelle à laquelle, à l'évidence, ces attentats ciblés contre les chiites semblent appeler. Aussi, des appels sont-ils lancés à la retenue comme l'indique un membre du Parti islamique irakien (sunnite) Hatem Al-Hassani selon lequel «Tout est possible du moment qu'il n'y a pas une seule direction à laquelle les gens obéissent. Une seule action peut mener à l'explosion» invitant «(...) les parties sunnites et chiites à appeler leurs partisans à la retenue». C'est la même préoccupation qui travaille les chiites qui, de leur côté, sensibilisent leurs partisans à la situation difficile que traverse l'Irak. Ainsi, l'influent membre du clergé chiite et chef du Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak (Csrii, principal mouvement chiite irakien), Abdelaziz Al-Hakim, a lui aussi appelé «à la retenue pour que ces perfides n'atteignent pas leurs objectifs et pour qu'il n'y ait pas de discorde entre les Irakiens». Le grand ayatollah, Ali Sistani, figure emblématique du chiisme irakien, a également appelé «(...) tous les fils du peuple irakien à montrer plus de vigilance face aux pièges des ennemis et nous les exhortons à resserrer les rangs et unifier leur discours afin d'accélérer le retour à la souveraineté». Si les chefs religieux irakiens sont unanimes à mettre en garde contre les provocations incitant à une guerre confessionnelle entre les Irakiens, ils sont également d'accord pour imputer la responsabilité de ces attentats à la coalition américano-britannique, du moins au laxisme dont les forces d'occupations américaines et britanniques font montre. Un porte-parole de l'ayatollah Ali Sistani, Ahmed Saffi, estime ainsi que les forces d'occupation ont une responsabilité dans la situation prévalant, indiquant «Nous pensons que les forces d'occupation sont responsables à la fois directement et indirectement (des attentats)...Ce sont les forces d'occupation qui sont responsables (des attaques) parce qu'elles ne traitent pas avec la police irakienne de manière convenable». L'un des quatre grands ayatollah chiites irakiens, Bachir Najafi, affirme pour sa part «Nous rejetons sur les forces d'occupation la responsabilité du vide sécuritaire dans le pays et autour des lieux saints (chiites) parce qu'elles ont laissé les frontières ouvertes devant ceux qui veulent s'infiltrer en Irak». Pour Abdelaziz Al-Hakim, «La mauvaise politique sécuritaire des forces d'occupation est responsable de ces boucheries» ajoutant «les forces d'occupation sont incapables de protéger les Irakiens et les empêchent de se protéger eux-mêmes». Sur la défensive, le général américain, Mark Kummitt, a expliqué que les forces américaines n'étaient pas présentes sur les lieux saints chiites afin de «respecter les différences culturelles (...) Nous ne voulions pas apparaître comme des intrus et venir récolter des preuves, sans avoir été appelés (sur les lieux )». Le général Kummitt estime également que «Ces attaques sont sophistiquées et très bien coordonnées (...), tout cela laisse penser à une sorte d'organisation internationale». Ce qui permet à Jeremy Greenstock, représentant britannique à la coalition, de justifier le prolongement de la présence américano-britannique, affirmant que les troupes (britanniques) sont encore en Irak «pour au moins deux ans». Par ailleurs, un responsable de la coalition a annoncé hier l'arrestation de quinze suspects, probablement entrés en Irak dans le sillage des milliers de pèlerins iraniens venus célébrer l'Achoura dans la ville sainte de Kerbala.