La situation menace de prendre des proportions dangereuses à tout moment La Tunisie est-elle en train de basculer inexorablement dans un cycle de violence terroriste? La question mérite bien d'être posée dans un pays que de nombreux médias tunisiens et occidentaux tentent de présenter comme une nation divisée en deux camps: d'un côté, la mouvance islamiste, et de l'autre, les démocrates. Affolé, le chef du parti islamiste, Rached Ghannouchi multiplie les sorties et se met à la manoeuvre. La dernière en date a été mercredi dans un entretien à l'agence Reuter. Tout en se disant ouvert au compromis, Rached Ghannouchi n'a pas mâché ses mots vis-à-vis de l'opposition. «Ils sont la contre-révolution (...) Nos mouvements de protestation soutiennent la progression du mouvement de transition, les leurs veulent faire éclater la transition», a-t-il dit. Il a récusé l'idée selon laquelle Ennahda allait connaître le même sort que les Frères musulmans en Egypte.«Nous avons exporté notre révolution en Egypte. Aujourd'hui, elle (l'opposition) veut importer un coup d'Etat. Mais en Egypte, l'opposition aurait dû attendre quatre ans pour un changement, alors qu'ici elle a juste à attendre quelques mois.» Près de deux semaines après l'assassinat de Mohamed Brahmi, député à l'Assemblée constituante, dix militaires sont tombés dans une embuscade meurtrière tendue par un groupe terroriste près du mont Chaâmbi. Les soldats ont été dépouillés de leurs armes et de leurs uniformes. Dans la rue, la tension monte. A Sidi Bouzid, ville symbole d'où est originaire Mohamed Brahmi, la population manifeste sa colère et demande le départ du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée constituante. A Tunis, la veuve de Chokri Belaïd, un opposant assassiné, il y a six mois, fait de même qui invita les Tunisiens à rejoindre le rassemblement organisé dans la soirée de mercredi dernier appelant à la mise en place d'un gouvernement de salut national. «Je ne fais pas d'appel pour cette manifestation, je donne rendez-vous, car je suis persuadée que les Tunisiens viendront d'eux-mêmes, comme le jour de l'enterrement de Chokri Belaïd», a-t-elle déclaré dans une conférence de presse tenue mardi dernier. Même si le chef du gouvernement tente, à travers ses apparitions publiques, de rassurer l'opinion sur le fait que «le terrorisme n'a pas d'avenir en Tunisie», son discours n'apporte aucun apaisement à la tension générale. En arrière-plan, Rached Ghannouchi, le gourou d'Ennahda, distille ses plans et ses orientations par le biais des titres de la presse qui lui est acquise, en alertant l'opinion sur un éventuel scénario à l'égyptienne. En un mot comme en mille, la situation menace de prendre des proportions dangereuses à tout moment. En effet, tous les ingrédients sont réunis. Il ne manque que l'étincelle. Mais les partisans du chaos, tapis à l'ombre, sont conscients qu'il n'est pas dans leur intérêt que l'origine de cette étincelle soit identifiée, alors on multiplie la diversion et on force sur l'intox afin de détourner l'attention de la majorité des Tunisiens. On accuse ainsi indirectement l'Algérie d'être derrière le carnage de Chaâmbi, la mettant en cause quant à la détérioration de la situation sécuritaire en Tunisie. Au sein des cercles officiels, on fait semblant de démentir, mais les réactions manquent de conviction. Bien au contraire, on semble bien s'accommoder de ces allégations et amalgames pour une raison évidente: dissimuler l'échec lamentable du gouvernement tunisien à résoudre la crise sociale et politique qui secoue le pays depuis plus d'une année. Le discours hypocrite développé par le mouvement Ennahda qui adopte une attitude équivoque face aux salafistes et aux jihadistes n'est pas pour conforter la politique de solidarité affichée par les Algériens. Les disciples de Rached Ghannouchi n'hésitent pas, en effet, à faire dans la manipulation en essayant de recourir au mensonge et à la provocation. Au moment où plus de 8 000 soldats algériens, dont des membres des forces spéciales, sont déployés tout au long de la frontière tunisienne pour sécuriser la région en organisant des opérations conjointes avec l'armée tunisienne, des cercles proches d'Ennahda tentent par tous les moyens de faire incruster dans l'esprit des Tunisiens cette image éculée consistant à présenter l'Algérie comme un pays exportateur de terrorisme. Au moment où les Algériens sont en train de démanteler méthodiquement les réseaux terroristes impliqués dans la dégradation sécuritaire en Tunisie en vue de leur identification, à Tunis, certains politiques sont plutôt occupés à «casser» la résistance des intellectuels et des journalistes tunisiens en essayant de détourner leur attention et en les mettant sous la pression sécuritaire. Mais cela suffira-t-il à faire oublier au peuple tunisien, la source et l'origine de ses problèmes?