L'hétéroclite coalition d'opposition tunisienne préparait une grande manifestation mardi soir pour réclamer la chute du gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda qui excluent toute démission pour sortir d'une crise déclenchée par l'assassinat d'un opposant et des attaques jihadistes. Ce rassemblement prévu à partir de 21H00 (20H00 GMT) vise à arracher la démission du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC) après la mort le 25 juillet de l'opposant Mohamed Brahmi imputé par les autorités à la mouvance islamiste. Il marquera en outre les six mois du meurtre d'un autre détracteur d'Ennahda, Chokri Belaïd, tué le 6 février. Favorable à la chute du gouvernement, la puissante centrale syndicale UGTT, forte d'un demi-million de membres, a appelé à rejoindre la manifestation. Le syndicat s'oppose cependant à la dissolution de l'ANC, élue il y a près de deux ans mais qui n'est toujours pas parvenu à adopter une constitution. Le patronat tunisien, l'Utica, a lui aussi renouvelé on appel à la formation d'un gouvernement de technocrates pour sortir de la crise politique actuelle. Confronté à Tunis et ailleurs à des manifestations quotidiennes, nocturnes en raison du ramadan, depuis l'assassinat de Brahmi, le chef d'Ennahda Rached Ghannouchi a une fois de plus rejeté les revendications de ses détracteurs. "Il y a des demandes excessives dont la dissolution d'un gouvernement qui a remporté la confiance du Parlement par le biais de manifestations", a estimé M. Ghannouchi dans le quotidien La Presse. "Dans les régimes démocratiques, les manifestations ne changent pas les gouvernements, c'est dans les régimes dictatoriaux qu'une manifestation est en mesure de faire tomber le régime", a-t-il dit. Ennahda a proposé ces derniers jours d'élargir le gouvernement et de tenir des élections en décembre. Les islamistes ont aussi évoqué, sans réelles précisions, un référendum sur la poursuite de la "transition" post-révolutionnaire. Mais la Tunisie, deux ans et demi après sa révolution, n'a ni constitution ni loi électorale permettant l'instauration d'institutions pérennes. De son côté, l'ANC devait se réunir en séance plénière dans la journée pour débattre de la menace "terroriste" dans le pays, alors qu'une vaste opération militaire est cours au mont Chaambi, à la frontière algérienne, pour "éradiquer" un groupe armé lié à Al-Qaïda, selon le gouvernement. Ces combattants sont responsables d'une embuscade qui a coûté la vie à huit soldats le 29 juillet. Deux autres militaires ont été tués dimanche, sans que le maquis islamiste ne soit neutralisé. Le chef d'Ennahda a là aussi rejeté les accusations de laxisme en matière de lutte contre le terrorisme et la mouvance salafiste jihadiste, en plein essor depuis la révolution de janvier 2011. "Les prisons accueillent actuellement entre 500 et 600 éléments présumés compromis dans le terrorisme", a-t-il martelé sans apporter de précisions sur les faits qui leurs sont reprochés. Enfin, la soixantaine de députés boycottant l'assemblée contestent la légalité de la séance prévue à l'ANC étant donné que son "bureau", seul habilité à fixer l'ordre du jour, ne peut se réunir en raison du refus de siéger de la moitié des élus la composant. Le siège dans l'hémicycle du député Brahmi était néanmoins recouvert de fleurs et du drapeau tunisien pour l'occasion.