La Kabylie! Une région qui fait l'actualité ces derniers jours. A commencer par le dernier événement en date qui est la mobilisation des citoyens d'Azeffoun contre le terrorisme. Plusieurs milliers de personnes ont battu le pavé dimanche pour dire «ça suffit» au terrorisme qui continue d'endeuiller la région. Le même jour, un sit-in de demandeurs d'aide à l'autoconstruction de leurs maisons endommagées par les intempéries de 2012 vire à l'émeute à Tadmaït, à une vingtaine de kilomètres de la ville de Tizi Ouzou. L'événement qui a défrayé la chronique nationale et internationale reste évidemment le déjeuner public organisé la semaine dernière dans les villes de Tizi Ouzou et Aokas. En effet, plusieurs centaines de non-jeûneurs se sont rassemblés la semaine dernière, à la place Matoub-Lounès située à l'entrée ouest de la ville de Tizi Ouzou. Les manifestants ont consommé des sandwichs et diverses boissons. Pour les présents, leur action visait à dénoncer les campagnes d'inquisition et d'intolérance dont sont victimes les non-jeûneurs. Ils ont tenu également à exprimer leur indignation face aux interpellations et arrestations opérées par les services de sécurité malgré l'absence d'une loi interdisant aux citoyens de rompre le jeûne. L'initiative a provoqué un vif débat en Algérie. Le lendemain, dudit rassemblement l'ancien n°2 de l'ex-FIS, Ali Benhadj, accompagné de son fils et de l'un de ses proches, s'est rendu sur la placette, en question. Il ne s'est pas gêné de traiter ces non-jeûneurs d'ennemis de Dieu! «Je suis venu en cette Nuit du Destin pour effacer le sacrilège commis sur cette placette même par les ennemis de Dieu», a-t-il déclaré aux personnes présentes sur les lieux. Le surlendemain, des milliers d'islamistes dépêchés même des willayas voisines, habillés pour la plupart en kamis, ont rompu le jeûne collectivement avec du petit-lait et des dattes ramenés pour la circonstance. Brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, «Allahou Akbar», ces jeûneurs ont scandé aussi «Tizi Ouzou islamya», «Nous sommes musulmans», «Nous sommes des Amazighs musulmans»... Quelques jours plus tard, c'est le Haut Conseil islamique (HCI), qui lui aussi, a vivement condamné l'attitude de ceux qui ont affiché leur non-respect du jeûne, en plein Ramadhan, sur l'une des places publiques de la ville de Tizi Ouzou. Cette autorité religieuse, dépendant de la présidence de la République a accusé les non-jeûneurs de vouloir créer «la discorde». Le HCI considère leur acte comme une provocation grave qui ne les honore pas. Ce Haut Conseil religieux, dans le même communiqué rendu public mardi dernier a tenu à affirmer «sa solidarité avec la population de Tizi Ouzou et à sa tête les imams et les forces politiques représentatives de la région qui se sont fermement opposées à cette minorité de semeurs de discorde». Entre-temps, les médias du monde entier en parlent! Contrairement à de nombreux médias nationaux ayant perçu l'événement comme une humiliation pour la religion musulmane, la presse internationale s'est montrée beaucoup plus modérée. En solidarité avec l'action menée en Kabylie, des manifestations similaires ont été organisées en France et même au Canada. Le tout a commencé après que des non-jeûneurs se soient retrouvés pourchassés par les services de sécurité et montrés du doigt par certains esprits rétrogrades. Il faut dire qu'après avoir tant résisté à l'islamisme et avoir évité in extremis le basculement de la République vers un Etat théocratique, nous revoilà donc au point de départ. L'accélération des événements en Kabylie a commencé, bien entendu, par un premier fait politique et économique important pour cette wilaya. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a effectué une visite de travail dans la wilaya de Tizi Ouzou. Sellal était accompagné d'une forte délégation ministérielle composée de 10 ministres pour s'enquérir de la situation des grands projets structurants dont a bénéficié la wilaya. Depuis des années, la wilaya de Tizi Ouzou a souffert du manque d'investissements. Aucun projet structurant n'a été réalisé sur place depuis plus d'une décennie. Pis encore, la plupart des industriels ont dû mettre la clé sous le paillasson, en délocalisant leurs unités de production vers d'autres willayas à cause de l'isolement dont elle fait encore l'objet. Un coup fatal à l'activité économique de la région. Aujourd'hui, la wilaya, à l'image de la plupart des wilayas du pays, compte un taux de chômage assez élevé. Conséquence de ce chômage endémique: une migration intensive des jeunes vers les autres régions du pays en quête d'opportunités d'emploi.