L'émissaire international, Lakhdar Brahimi, achève à Damas une tournée qui l'a mené dans plusieurs pays de la région (Photo Archive) Il est arrivé hier à Damas pour entamer la phase la plus délicate de sa mission visant à organiser en novembre une conférence dite «Genève 2», rejetée par les groupes armés. Au terme d'une tournée, qui l'a conduit dans tous les pays de la région, y compris la Turquie et l'Iran, à l'exception notable de l'Arabie Saoudite, hostile à ce projet, Lakhdar Brahimi est arrivé hier à la mi-journée à l'hôtel Sheraton, au centre de Damas, accompagné par le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad. Il s'agit de sa première visite depuis la fin décembre 2012. Il avait alors appelé à un changement «réel» en Syrie et à la formation d'un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs. Le journal syrien al-Watan, proche du pouvoir, avait à l'époque rapporté que le président Bachar Al Assad avait mis fin à son entretien avec M.Brahimi quand ce dernier «avait osé s'enquérir de la question des candidatures lors de la présidentielle» de 2014. La mission de M.Brahimi s'annonce aussi extrêmement difficile en raison des menaces proférées par 19 importantes factions rebelles présentes sur le terrain contre tous ceux qui oseraient dans l'opposition se rendre à Genève. Les éventuels participants commettront une «trahison» dont ils devront répondre «devant nos tribunaux», ont averti ces groupes islamistes samedi, laissant clairement entendre qu'ils seront exécutés. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a jugé hier «révoltantes» ces menaces lancées par «ces organisations extrémistes, terroristes». Pour Thierry Pierret, un expert de l'islam en Syrie, les groupes «représentent un pan très large de l'opposition armée, allant des salafistes radicaux du Front islamique syrien à des groupes beaucoup plus modérés qui constituent des piliers de l'Armée syrienne libre (ASL)». «On peut affirmer que Genève 2 fait l'objet d'un rejet quasi-total dans les rangs des insurgés, ce qui signifie qu'une bonne partie de l'opposition politique ne prendra pas le risque de participer à une réunion qui lui coûterait ce qui lui reste de légitimité auprès des groupes armés», assure ce maître de conférence sur l'islam contemporain à l'Université d'Edimbourg. En outre, ajoute-t-il, «quand bien même des opposants participeraient à Genève 2 et aboutiraient à un accord, ce dernier n'aurait aucune valeur». Ce rejet intervient alors que les relations entre Riyadh et Washington se sont dégradées depuis que les Etats-Unis ont décidé de ne pas mener de frappe contre la Syrie et se sont rapprochés de l'Iran, concurrent du leadership saoudien dans la région du Golfe. «Parmi les signataires figurent plusieurs groupes nettement pro-saoudiens, ce qui n'a rien d'étonnant eu égard à l'opposition bien connue de Ryadh à Genève 2», note Thierry Pierret. «Les Saoudiens rejettent désormais totalement l'approche américaine du conflit syrien et le font savoir. Leur rejet de Genève 2 n'est pas une volonté de punir les Américains mais la conviction que Genève 2, tel qu'il est envisagé par les Russes et les Américains, ne mène strictement nulle part. Les Saoudiens veulent en finir avec ce conflit à leur avantage évidemment», souligne-t-il. Le quotidien syrien al-Watan partage à sa manière cette analyse: «Dans le contexte du -conflit- entre Washington et Riyadh, la famille Saoud a donné ses directives aux groupes terroristes qui combattent sur le terrain pour annoncer que la participation à Genève 2 est une trahison et que tout participant sera puni». A Bruxelles, la Commission européenne a annoncé avoir débloqué une nouvelle enveloppe de 85 millions d'euros. La moitié, soit 40 millions, seront dépensés en Syrie pour des programmes de santé et d'éducation et 40 autres seront alloués à des actions pour aider les Syriens déplacés en Jordanie. Le solde, soit 5 millions d'euros, est destiné à aider des étudiants syriens à poursuivre leurs études dans les universités européennes. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a estimé que la souffrance des Syriens était «une tache sur la conscience du monde», alors que 6,8 millions d'entre eux ont besoin d'aide humanitaire.