Les débats à la Constituante tunisienne ont à nouveau été bloqués mardi soir par les invectives de députés, cette fois-ci lancées en raison de la révision d'un article traitant de l'interdiction des accusations d'apostasie. Des élus de l'assemblée se sont mis à crier à travers l'hémicycle, quittant leurs sièges et invectivant leurs collègues dès l'annonce que l'article 6 révisé serait soumis au vote pour le modifier. Une suspension d'audience a suivi. Dès leur retour, les cris ont repris, avec un élu, Ibrahim Kassas s'écroulant en larmes après avoir hurlé à de nombreuses reprises «Allah Akbar». La vice-présidente de l'Assemblée nationale constituante, Meherzia Labidi a dès lors demandé aux présidents des groupes parlementaires de renégocier le contenu de la disposition. Le vote sur cet article a été reporté à mercredi, a-t-elle dit. Le coeur du désaccord concerne la présence dans cet article d'une disposition, adoptée début janvier sous la pression d'une partie de l'opposition, interdisant les accusations de mécréance. Sa formulation devait être revue sans supprimer cette interdiction, si bien que certains élus ont fait dérailler la séance, considérant cette notion comme étant «contre l'Islam». Des élus laïcs considèrent pour leur part que les accusations d'apostasie peuvent être considérées comme des appels au meurtre dans un pays où des groupes jihadistes connaissent un essor certain depuis la révolution de 2011. Lundi, les débats avaient dû être reportés à mardi après une controverse sur les conditions d'éligibilité du chef de l'Etat. Seuls quelques articles doivent encore être approuvés pour permettre le vote de la Constitution dans son ensemble, plus de trois ans après la révolution, mais les débats, lancés le 3 janvier, ne cessent d'être ralentis par les disputes et les controverses. La finalisation de la Loi fondamentale doit permettre de parachever la sortie de la crise politique provoquée par l'assassinat en juillet d'un député d'opposition. Par ailleurs, un nouveau gouvernement doit être formé d'ici la fin de la semaine, le parti islamiste Ennahda ayant accepté de quitter le pouvoir pour laisser la place à un cabinet d'indépendants jusqu'aux prochaines législatives et présidentielle. Elue en octobre 2011, l'Assemblée devait achever sa mission en un an, mais le processus a été ralenti par un climat politique délétère, l'essor de groupes jihadistes armés et des conflits sociaux qui ont provoqué une succession de crises.