L'attentat dont a été victime l'imam de Mohammadia en est une illustration précise. Certes, il est loin le temps où les groupes terroristes étaient forts de quelque 27.000 éléments, et faisaient régner la terreur aussi bien dans les villes que dans les villages. Le danger n'en est pas moins toujours là. Dans l'entretien qu'avait accordé le chef d'état-major à un média français, il estimait à quelque 1000 terroristes le nombre d'éléments encore actifs sur le terrain, privés de la quasi-intégralité de leurs soutiens classiques. S'adonnant à quelques massa-cres sporadiques, attentats dans des zones montagneuses et reculées du pays, les terroristes semblaient définitivement éloignés des grandes métropoles, comme se plaisaient à le souligner l'ensemble des officiels algériens. Rien n'est moins vrai hélas, puisque une baisse de vigilance, pour courte qu'elle soit, peut être mise à profit par des groupes, notamment le très actif et très déterminé Gspc pour «traverser» les barrières mises en place et commencer à faire régner la terreur de nouveau dans certaines grandes villes du pays. L'entrée en action des «sariats» d'Alger, affiliées au Gspc, confirme on ne peut plus ces craintes. Les groupes, obéissant aux nouveaux principes adoptés par le Gspc, conseillé en cela par ses relais d'Al-Qaîda, nous disent des sources au fait de ces questions, se subdivisent en deux ou trois individus, absolument inconnus des services de sécurité. Ces groupuscules, disposant d'une grande autonomie et d'une mobilité très grande, ont pour mission de s'en prendre aux policiers ainsi qu'aux repentis. Nul doute qu'ils doivent faire partie des nouvelles recrues dont avait fait état le chef d'état-major dans une autre sortie médiatique. Le général Mohamed Lamari s'était plaint, en effet, que le Gspc fût le seul groupe qui continuât encore à recruter (270 personnes en 2002) lors même que les au-tres organisations n'en finissent plus d'agoniser. C'est notamment le cas du sanguinaire et redoutable GIA qui, selon des sources crédibles, en est réduit à environ une trentaine d'éléments, dont l'émir «présumé», Khaled El-Fermach, soutenu par deux ou trois fidèles, est traqué aussi bien par les siens (pour une sombre histoire d'argent) que par les services de sécurité. Pour revenir au Gspc, dont les éléments viennent d'investir de nouveau la capitale, agissant presque suivant les méthodes qu'appliquait le GIA, du temps où il avait pignon sur rue à Alger, le risque est grand que ces groupuscules soient en contact avec des relais chargés de les approvisionner et de les loger, mais aussi de leur désigner les cibles. L'attentat dont a été victime l'imam de Mohammadia en est une illustration précise. Il en va de même pour les deux policiers de Bougara qui n'ont été attaqués qu'une fois qu'ils se sont dépêtrés de leurs gilets pare-balles et de leur véhicule blindé pour ne garder qu'une voiture légère. Des surveillances, discrètes, donc changeantes, ont forcément dû être opérées, soulignent des spécialistes de la lutte antiterroriste qui craignent que la situation ne dégénère avant que ces groupuscules ne soient enfin identifiés. Le danger est d'autant plus grand, souligne-t-on encore, que les nombreux terroristes régulièrement abattus à Boumerdès, dont trois à Béni Amrane ce mardi, peuvent être la résultante de nouvelles tentatives d'incursion, visant à renforcer les groupes déjà mis en place. Il ne fait de doute pour personne, en effet, que le plus gros des troupes du Gspc, dont les accointances avec Al-Qaîda ne sont un secret pour personne, se situent sur les hauteurs du Sud-Est algérois, s'étendant entre Boumerdès et Béjaïa en passant par les redoutables monts de la Grande-Kabylie. Dans ces maquis, aussi, indiquent des témoignages d'activistes récemment faits prisonniers, cités par des sources bien informées, l'organisation a suivi le même procédé, en mettant en place de petits groupes cloisonnés, très mobiles et difficiles à repérer. Ce n'est pas tout. Les mêmes sources ajoutent que le Gspc, qui a perdu son homogénéité d'antan, «serait en train de se casser en trois groupes distincts». Le premier, toujours contrôlé par Hassan Hattab, continuerait à viser les services de sécurité et les repentis suivant les théories djihadistes déjà explicitées dans les fascicules de ce groupe et d'Al-Qaîda. Le second, qu'aurait commencé de contrôler Nabil Sahraoui, un irréductible proche du mouvement Hidjra Oua Takfir, pourrait suivre le même cheminement que le GIA et s'en prendre cruellement aux populations civiles. Le troisième, enfin, que contrôlerait Mokhtar Ben Mokhtar, alias Belaouar, à la suite du décès accidentel d'Abderrezak El-Para, a suivi le même plan d'action depuis les sévères coups reçus de la part des services de sécurité algériens, puis de l'armée tchadienne. Belaouar, et ses groupuscules, selon un rapport dressé par des services secrets lancés sur leurs traces, seraient établis dans le désert, très peu fréquenté, de Tagaza, situé dans le nord du Mali. Belmokhtar, qui continue de se baser sur les alliances tribales locales, aurait épousé la fille du chef d'une puissante tribu nomade dans le but de poursuivre ses trafics d'armes et de cigarettes, ce qui lui permet de financer sa guérilla et de tenter, sporadiquement, d'alimenter les maquis du Nord algérien. Le terrorisme algérien, quoique défait politiquement et militairement, risque fort de perdurer précisément à cause du trop-plein d'optimisme déployé par de plus en plus d'acteurs. Cet «énième dernier quart d'heure» risque d'être un leurre dans le cas où la vigilance ne redeviendrait pas celle de toutes les heures, pas seulement de quelques... quarts d'heure!