L'illustre écrivain journaliste, Jean Daniel, a été consacré docteur honoris causa ès sciences politiques et de l'information hier, à l'Université d'Alger. La cérémonie rehaussée par la présence du président de la République, M.Bouteflika, a été marquée par une brillante intervention du Dr jean Daniel en présence de plusieurs ministres, professeurs d'universités, d'artistes et de personnalités politiques algériennes. Juif d'origine, Algérien de naissance, Jean Daniel s'est dit très ému par cette gratification qui coïncide avec le 147e anniversaire de la création de l'Institut médical de l'université d'Alger et surtout «par la présence inattendue du président de la République, Abdelaziz Bouteflika». Emu mais serein, celui qui a été décoré de la Croix de guerre 39-45 et du titre d'officier de la Légion d'honneur a retracé son enfance, et son engagement pendant plus de 45 minutes. L'Algérie au centre de son intervention, le commandeur de l'Ordre national du mérite, a retracé une partie de l'histoire récente de l'Algérie. «C'est l'occasion ici de rappeler que les ulémas de ma jeunesse s'étaient prononcés en faveur du progrès sous toutes ses formes, ont lutté contre le colonialisme au nom d'un Islam moderne et n'avaient jamais réclamé, en particulier quant à eux le port du voile!» déclare l'ex-membre du conseil de l'administration de la Bibliothèque nationale. «Une partie du coeur de l'Algérie palpite désormais en France. C'est une évidence incontournable», note le reporter international de guerre des années 50. Résolument convaincu par la cause algérienne, l'ex-responsable du conseil d'administration du Grand Louvre (1992-1997) et ex-membre du consultatif national d'éthique (1996-2002) s'interroge aujourd'hui «comment comprendre qu'après une telle accumulation de malheurs et de drames, tant d'Algériens aient cru venir en France et se sentir chez eux, que tant d'Algériens, d'Arabes aient pu trouver dans la langue française une sorte de patrie (...)». Témoin de notre époque, le rédacteur en chef de L'Express (1954-1962), actuel directeur du Nouvel Observateur se confie : «J'assume pleinement la pluralité de mes origines et de mes racines, et je me sentirai mutilé si soudain je décidais de privilégier l'une d'entre elles. Je ne veux renier aucun héritage, ni celui de Berbères, ni celui des Arabes, ni celui des juifs, ni celui de l'Algérie musulmane, ni celui de la France chrétienne, ni surtout celui de la Méditerranée, celle d'Athènes et de Jérusalem». Une vision universelle, humaniste que le président du comité des sages (près de Romano Prodi) justifie : «Je suis enfin, et par-dessus tout, un enfant de la Révolution de 1789, c'est seulement lorsque je trahis son enseignement que je me sens un renégat».