Le président de la République et le rédacteur en chef du Nouvel Observateur, Jean Daniel, s'accordent sur la conception de l'algérianité. C'est du moins ce qu'avoue Jean Daniel qui a été reçu hier par le président Bouteflika avant d'animer une conférence de presse sur son dernier ouvrage consacré à Albert Camus. Avec Camus : comment résister à l'air du temps en est le titre publié en 2006. Le journaliste a expliqué au Président sa conception, la camusienne, qu'il défend d'ailleurs, au président qui avouera, selon lui, être du même avis et partager la conception. Lors de sa conférence à la Bibliothèque nationale d'Algérie, l'écrivain, natif de Blida, remontera loin dans l'enfance de Camus pour retrouver la justification de son algérianité, et surtout son attachement à cette appartenance. Issu d'une famille pauvre qui s'installa tôt, en 1830, du côté de Ouled Fayet, Albert Camus continuera sa vie durant à traîner comme un boulet la pauvreté comme source d'inspiration, mais aussi comme une raison de “non-appartenance” au colonisateur. C'est pour cette raison, précisera Jean Daniel, qu'il ne se sent pas héritier ou représenter la France ou le colonialisme. Jean Daniel, qui le rencontre, lui offre l'occasion d'écrire dans Caliban qu'il dirigeait. Paradoxalement, les deux hommes, même s'ils ne partagent pas la totalité des vues sur les sujets actuels de l'époque, auront à agir dans la même direction pour dénoncer les dépassements, la torture. Camus sera d'ailleurs chargé de faire le reporter, et ses thèmes n'ont jamais été loin de la pauvreté et de la misère. Daniel était chargé de couvrir les évènements de l'époque, pour le même journal L'Express que Camus avait rejoint par soutien à Pierre Mendès France. L'auteur de l'Etranger et du Mythe de Sisyphe restera attaché à cet enracinement à la terre d'Algérie malgré les honneurs, honneurs de la métropole qu'il refusera d'ailleurs. Il est comparé en 1945, après les évènements du 8 Mai 45, à Kateb Yacine, un autre écrivain à l'algérianité à fleur de peau. “Les deux épouvantés par la répression coloniale.” Ils dénonceront avec un rare courage la répression coloniale. Mais, relèvera Jean Daniel, les deux hommes ont compris que, “pour l'un, c'est la fin du rêve de l'Algérie française, et pour l'autre, le début de l'indépendance de l'Algérie”. Plaçant sa visite sous le signe “d'un plaisir de solidarité”, le titulaire du Docteur honoris causa délivré par l'Université d'Alger en 2004 n'en dira pas plus sur l'actualité. Devant un parterre composé de personnalités politiques, de journalistes, d'universitaires et d'intellectuels, M. Daniel a salué le courage et la volonté des intellectuels algériens de se réapproprier Camus l'Algérien. On aura remarqué le diplomate Brahimi, Abdelhamid Mehri, Rédha Malek, le ministre Chérif Rahmani, l'écrivain Rachid Boudjedra, ainsi que le DG de la Bibliothèque nationale du Venezuela. Un panel dont la présence en elle-même est révélatrice du respect pour l'homme de Blida et de son œuvre humaniste. Djilali B.