Alors qu'on célèbre les 50 ans de la Cinémathèque algérienne, Cannes Classics 2015 est placé cette année sous l'égide de Costa-Gavras qui est l'invité d'honneur. Palme d'or avec Missing en 1982, membre du jury en 1976 (il récompensa Taxi Driver), Prix de la mise en scène avec Section spéciale en 1975, c'est en sa présence qu'a été projeté Z, lundi dernier. Prix du jury en 1969, c'est une copie restaurée qui a été présentée devant la forte délégation officielle venue applaudir chaleureusement ce film qui n'a pas pris une ride. La projection a eu lieu en effet devant le ministre de la Culture grec, beaucoup de personnalités du monde diplomatique français dont le directeur du CNC qui a soutenu ce travail de restauration, des membres d'Unifrance qui ont pris en charge le dîner qui a suivi et notamment Nesroun Bouhil, responsable de promotion au sein de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel, représentant du ministère de la Culture en l'occurrence ici et de la partie algérienne donc. Costa Gavras est aujourd'hui président de la Cinémathèque française dont la direction échoit à Serge Toubiana, assis à ses côtés lors de la projection ainsi que sa femme Michèle. Sorti en 1969, Z est une coproduction France-Algérie-Italie-Grèce. Tourné en Algérie, l'on reconnaîtra en effet la placette du square Port Saïd ainsi que Bab El Oued. En somme, l'Algérois des années post-indépendance. Parmi les acteurs algériens l'on retiendra les noms des grands Hassan El Hassani alias Boubegra et Sid Ahmed Agoumi. Réalisateur de cinéma franco-grec, chaque film de Gavras est, pour lui, l'occasion de témoigner de son engagement dans ses idées et de délivrer un message à propos du pouvoir dont celui de l'argent dans Capital ou politique la plupart du temps comme ici dans Z. Ce dernier raconte l'histoire d'un député progressiste qui se fait assassiner dans un pays méditerranéen. Le juge d'instruction s'occupant de l'enquête met en évidence, dans ce crime, la participation de l'armée et de la police. Un sujet fort d'actualité. Interrogé lors du dîner qui suivra, le réalisateur répondra brièvement à nos questions... L'Expression: Ça vous fait quoi de revoir votre film des années plus tard mis à l'honneur au festival de Cannes? Costa Gavras: Le fait qu'il soit à Cannes et qu'il soit mis à l'honneur c'est une grande émotion. C'est très bien car Cannes passe généralement des films actuels. Le fait de faire passer des films qui ont vécu d'une certaine manière ça prouve que le festival de Cannes s'intéresse au cinéma globalement. Ça prouve aussi que certains films traversent le temps. Et c'est rare et ça ne dépend pas du metteur en scène. Je ne peux pas faire un film pour qu'on puisse décider qu'il sera vu 45 ans après et avoir un public qui réagit comme ce soir. J'étais très ému et très surpris de le voir réagir comme ce soir. Quelle a été l'idée qui a déclenché ce film? Parce qu'il y a eu ce putsch contre un colonel en Grèce et que j'avais un livre entre les mains (de Vassilis Vassilikos qui porte le nom de Z, Ndlr) et j'ai décidé de faire ce film avec des amis. C'est une adaptation fidèle? Oui, absolument, c'est une vraie histoire. Toutes ces interdictions énumérées à la fin ce n'est pas de la fiction. C'est la vérité. Ces décisions du tribunal ont bel et bien existé. Ce que l'on montre ce sont de vrais personnages et de vraies situations. On n'allait pas tricher. C'est vrai que ça paraît peu crédible. Même le journaliste a été en prison lui aussi. Je trouve que l'histoire est très actuelle. La corruption des dirigeants dans le monde, la manipulation politique et la police sont un sujet sensible, inépuisable... C'est ce que les gens me disent, oui. Les gouvernements qui corrompent, qui dirigent la police et la justice existent dans beaucoup d'endroits. La justice quand elle est soumise c'est la pire des choses. Car elle n'est plus indépendante. La police aussi d'une certaine manière. C'est cela le thème du film. Question bateau: enfin, quel regard portez-vous sur votre riche parcours cinématographique? Le metteur en scène est là pour faire des films, l'un après l'autre. Le cinéma doit parler à mon sens de la société, de ce qui se passe autour de nous, je raconte des histoires humaines. Aujourd'hui j'essaye d'écrire mais je préfère ne pas en parler.