Il a fallu que la ministre de l'Education nationale, annonce à demi-mot - la possibilité- d'introduire la «darridja» aux élèves du préscolaire et de la 1re année élémentaire en vue d'un apprentissage graduel de la langue que les milieux islamistes couplés à la sphère arabo-baâtiste rétrograde s'enflamment. Le loup est dans la bergerie, maintenant que la langue arabe risque de disparaître, le pays chavire et l'unité nationale est menacée, retentissent les sirènes de l'obscurantisme. Nous voilà donc confortablement installés au coeur d'une fausse polémique tranchée il y a de cela cinq siècles en Europe. Oui, cinq siècles. C'est vers le milieu des années 1500 qu'un décret avait été publié pour faire de la langue française l'outil juridique et administratif pour que le peuple saisisse la signification et le sens des lois, comprenne la science et accepte les décisions administratives. L'Italie, l'Espagne et l'Allemagne suivent le même parcours «en cédant» le latin à l'Eglise pour se lancer dans le progrès et la science avec leurs langues parlées comprises par leurs peuples respectifs. Nous en sommes à cette polémique qu'on croyait close mais que vient de relancer le Premier ministre lors de sa sortie jeudi dernier à Constantine. Finalement, rien n'est encore tranché dans notre pays surtout quand il s'agit des langues. La revendication de l'arabe algérien a été proclamée pour la première fois dans un document en 1981 lors du séminaire de Yakourene, soit une année après le Printemps berbère d'Avril 1980. Mais oserait-on à cette époque, sous la chape du parti unique, aborder la question des langues en Algérie? Déjà pour admettre que la réalité sociolinguistique dans notre pays est plurielle, il a fallu un combat de tout une génération au péril de sa carrière professionnelle, de sa réputation et souvent même de sa vie. Que de manipulations, que de quolibets, que d'accusations n'a-t-on pas lus et entendus à propos des défenseurs de la langue amazighe. Des manipulés de l'étranger au service de la CIA, des brûleurs de l'emblème national et du Coran...etc. On se rappelle ensuite des harangues endiablées de ces députés gardiens du temple vociférant en guise de rappel à l'ordre des «égarés» du RCD, du FFS ou du PT qui s'exprimaient en tamazight au sein de l'Assemblée. Promue langue nationale en 2002, au prix d'une légendaire lutte pacifique, tamazight fait actuellement l'objet d'une revendication visant à l'officialiser. Le débat risque encore de s'affoler à la faveur de la promulgation de l'avant-projet de loi de la nouvelle Constitution. C'est dire que la polémique sur l'enseignement des langues est loin d'être close du moment que le débat sur l'école n'est même pas ouvert. Et ce n'est pas au terme d'une conférence des experts qu'on pense régler une aussi sensible et stratégique question! Quelle école, quel enseignement voulons-nous dans cette Algérie de 2015? Sommes-nous satisfaits de cette école dans son état dégradé? Sommes-nous contents de ces classements mondiaux qui relèguent nos universités au bas du tableau. Le débat maintes fois évoqué, n'a jamais eu lieu. Qui a peur de parler de l'école?