Elle est revenue, plus tôt que prévu, la mort dans l'âme, mais déterminée à associer sa voix au chant choral porté par tout un peuple soucieux de se préserver dans un élan de solidarité sans précédent avec ceux que les dernières inondations ont plongés dans des situations apocalyptiques. A l'image de nombreux artistes algériens, sur le sol natal comme à l'extérieur des frontières, Amel Wahbi est venue joindre sa voix à celles de Mami, Khaled, Billal et de bien d'autres encore à l'effet de partager l'insondable douleur provoquée par les tragiques inondations qui ont endeuillé son pays, et faire part de toute sa disponibilité pour transformer les conséquences d'une situation apocalyptique en possibilités d'action. Touchée jusqu'au tréfonds de son âme par une nouvelle des plus affligeantes, elle a vite réagi pour favoriser au Caire un vaste mouvement de solidarité qui a vu l'engagement de nombreux artistes égyptiens. Son souhait le plus cher était de revenir chanter en Algérie pour communiquer sa joie et son attachement à un peuple sur les cimes de sa considération et de son respect le plus profond. Elle tenait tellement à le faire, si déterminée, en quête d'authenticité et de spiritualité à même de lui permettre de s'inspirer grandement des grandes épopées qui ont fait son pays. Son Algérie à elle qu'elle magnifie et porte au zénith à chaque fois que l'occasion lui est offerte, notamment dans les pays arabes. A l'entendre, j'avoue l'avoir écrit un jour, le métier de chanteuse, ce serait essentiellement cela: accepter d'être le vecteur vivant d'une transformation publique d'idées et d'émotions. Transmutation, faudrait-il même dire. Extrême exigence et extrême vivacité...régulièrement traversées par de grands éclats de rire d'une femme consciente plus que jamais de sa mission d'ambassadrice de la culture algérienne même si, pour des raisons évidentes, il lui est régulièrement demandé de se renouveler dans un registre égyptien qu'elle n'est pas sans apprécier toutefois: «J'aurais bien voulu opter pour le patrimoine musical traditionnel algérien, mais la stagnation dans ce domaine, l'absence de recherche et d'innovation émoussaient, quelque part, ma volonté d'investir le champ culturel national.» Vivant au pays des Pharaons, il ne pouvait en être autrement pour une chanteuse très au fait de la concurrence qui y prévaut dans le domaine des arts lyriques pour ce qui la concerne, une concurrence qui nécessite, au plus haut chef, de réunir les conditions objectives à même de permettre d'éloigner le spectre d'une démarche aventureuse. Ayant pour seule richesse une voix qui invite à l'évasion et au rêve et sa volonté irréfragable d'embrasser une carrière qui lui tenait énormément à coeur, la providence, comme elle se plaît à dire, a voulu qu'elle trouve, sur son chemin, un des hommes parmi les plus importants d'Egypte, une sorte de parrain ayant vite cru en elle, en ses capacités artistiques. El Kheyyala, le titre de l'un de ses albums, sera le résultat d'une merveilleuse alchimie: une musique et des paroles magnifiques, des arrangements sublimes de Safy Boutella et un apport des plus extraordinaires d'un barde populaire plus connu sous le nom d'Es-Saïdi. La rencontre avec ce vieil homme fut salvatrice à bien des égards d'autant plus que la forte personnalité du barde le rendait plus proche des Algériens que de ses compatriotes. Fougueux, cru, bourré de principes, il avait un sens aigu de l'équité. A Alger depuis peu, Amel Wahbi s'attelle, depuis son arrivée, à insérer son action dans le cadre d'un chant choral susceptible d'approfondir davantage le somptueux espoir porté depuis les tragiques événements vécus par tout un peuple que rien ne peut ébranler désormais. Fidèle en cela à ce qu'elle m'avait déclaré au mois d'avril dernier: «Je ne suis nullement la Schéhérazade des temps modernes. Tout simplement parce que je ne veux pas être une femme soumise. Je veux me battre pour aller de l'avant et pour le bien-être de ceux qui me sont chers et de mon peuple.» A plus forte raison lorsque ce même peuple a besoin de la mobilisation effective de tous ses enfants pour relever le défi.