Son drapeau avait fait le tour de la Toile et était devenu aussi célèbre que la bannière étoilée. Il restait un territoire pour donner corps au cauchemar des temps modernes. Le groupe terroriste autoproclamé «Etat islamique» (EI/Daesh) a revendiqué hier les attentats, dans un communiqué succinct, mais clair. «Huit frères portant des ceintures explosives et armés de fusils d'assaut ont visé des sites choisis soigneusement au coeur de Paris», note le communiqué, comme pour souligner une capacité de mener à son terme une action armée décidée par avance. Soumis à d'intenses bombardements sur les fronts syrien et irakien, le groupe terroriste annonce donc une puissance de feu au sein même de l'Europe. «Que la France et ceux qui suivent sa voie sachent qu'ils resteront à la tête des cibles de l'Etat islamique», souligne le communiqué, annonçant, de fait, d'autres actions dans l'Hexagone. La «perfection» du mode opératoire et la détermination des terroristes, autorise donc Daesh de traiter «d'égal à égal» avec la France. Aussi, cette organisation qui s'est offerte un territoire et les moyens d'un Etat, explique les attaques de Paris, comme une réponse aux «bombardements» dont fait l'objet le groupe terroriste en Irak et en Syrie. Le lexique guerrier, assez proche de celui de tous les islamistes radicaux, n'en trouve pas moins une sorte de «crédibilité» au sens où contrairement à Al Qaîda de Ben Laden, Daesh d'El Baghdadi peut se targuer d'avoir des territoires, d'y appliquer sa loi et, contrairement aux autres organisations terroristes, offre le gîte, le couvert et une solde à ses recrues. En d'autres termes, elle propose une citoyenneté «nouvelle» à des dizaines de milliers de jeunes sans repères. Cette force de persuasion a été acquise, faut-il le souligner, sur les décombres d'une guerre perdue par les Occidentaux en Irak et de dangereuses compromissions des monarchies du Golfe qui ont joué avec le feu dans leur lutte contre la propagation du chiisme dans la région. Daesh qui se dit sunnite est allé bien plus loin que les espoirs des rois arabes. Il s'est mué en secte et profité de l'implosion de l'Irak pour conquérir des terres et sauter sur l'occasion de la guerre déclenchée en Syrie pour traverser la frontière entre les deux pays, en se rendant maître de vastes territoires à cheval entre l'Irak et la Syrie. Nous sommes en 2011. La voix de la secte était déjà audible à travers le monde grâce à l'Internet. Son drapeau avait fait le tour de la Toile et était devenu aussi célèbre que la bannière étoilée. Il restait un territoire pour donner corps au cauchemar des temps modernes. La déliquescence de l'armée irakienne, de nombreuses complicités dans certaines villes syriennes et surtout la férocité de ses hommes, à travers les vidéos d'exécution de ses adversaires, ont été la marque de fabrique de Daesh. L'organisation a effectué des recrutements inespérés, dans des pays inimaginables et construit un système complexe de rétribution de ses collaborateurs. Mais le vrai mystère de Daesh a toujours consisté en sa capacité de produire des kamikazes. Ceux de Paris illustrent une détermination peu commune et annoncent une recrudescence des actions terroristes en Occident.