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"Des langues se délieront et des mémoires se libèreront"
KAMEL BOUGUESSA, HISTORIEN, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 24 - 11 - 2015

Il est, sans nul doute possible, le chercheur le plus en vue de la fin du siècle dernier, le moins médiatisé certes, mais le plus percutant comme peut en témoigner Aux sources du nationalisme algérien, un ouvrage judicieusement consacré à l'écriture de l'histoire pour le compte des Editions-Casbah. Des réponses appropriées y sont consignées donnant un éclairage sur un passé où subsistent certaines zones d'ombre savamment tissées par la culture de l'oubli, une anthologie de la falsification et de la dissimulation qui a effacé des pans entiers de notre histoire. Avec le premier invité de L'entretien du Mardi, plusieurs points sont abordés à commencer par:
- lorsqu'une écriture de l'histoire peut en cacher une autre...
- l'élite intellectuelle algérienne installée en France vivait un double exil et une double déchirure...
- le silence de Messali Hadj sur la création de l'Etoile nord- africaine nous interpelle...
- le retard accusé, en matière de publications sur notre histoire, vis-à-vis de la France.
- le rôle que peut jouer la dynamique historique dans le recul de la crise économique.
L'Expression: Vous développez de nombreux concepts dans votre ouvrage et celui relatif au nationalisme séparatiste est non des moindres... Qu'en est-il exactement?
Kamel Bouguessa: On assiste depuis un certain temps à un mouvement convergent qui consiste à fondre les différentes tendances du mouvement national en une seule entité. Les différences entre les ouléma, les udmistes et les partisans de Messali tendent à s'estomper. Il m'a paru nécessaire de rétablir ces différents mouvements avec leurs spécificités historiques. Concernant la tendance qui s'est cristallisée dans le courant ENA-PPA-MTLD, j'ai tenu à lui donner sa véritable dimension, et je pense que le concept de nationalisme séparatiste reflète mieux que d'autres qualificatifs la nature véritable de ce mouvement, la rupture radicale de tout lien institutionnel avec la France. Les revendications et les luttes des partisans de Messali se sont principalement cristallisées autour du mot d'ordre «l'Indépendance nationale, espoir suprême et suprême salut!».
Ne suggériez-vous pas par-là que la clé de l'analyse plurielle de la société algérienne actuelle réside, en grande partie, dans l'étude de la période coloniale?
Accéder à l'intelligence de cette société issue du procès de Libération nationale nécessite une analyse de l'ensemble de la formation économique et sociale algérienne d'avant l'indépendance. En ignorant consciemment ou non l'importance des déterminations passées sur le présent, les recherches ayant pour objet l'étude de cette formation sociale, l'examen de ses forces politiques et sociales ou l'analyse de ses appareils idéologiques et politiques ont prouvé, une fois de plus, qu'elles n'avaient pas dépassé le stade de l'approximation.
A-t-on idée des fâcheuses conséquences que n'a pas manqué d'entraîner une vision réductrice de l'écriture de l'Histoire?
L'incapacité du chercheur commence avec son impuissance à analyser et à expliquer le fonctionnement de cette société, à en saisir les mécanismes et les agents. L'opacité du présent se double alors et se renforce des sourdes pesanteurs du passé.
Quelle est, selon vous, la caractéristique commune aux études sur la formation sociale algérienne avant ou après 1962?
Cette problématique met essentiellement l'accent sur les continuités dans l'histoire algérienne, c'est-à-dire sur des moments historiques, des mouvements politiques ou des événements sur lesquels nous disposons plus facilement de sources. La différence se limite donc aux différents points de vue de l'historien, du sociologue, de l'économiste ou du politologue. Par commodité ou par absence de nouvelles données, la plupart des travaux se sont évertués à construire des théories explicatives qui avaient pour prétention d'embrasser l'ensemble de la formation sociale, ou un des niveaux infrastructurels relativement homogènes. Au nom du principe de l'autonomie relative des différentes topiques économiques, idéologiques et politiques, en prenant appui sur la méthodologie marxiste, nombre de recherches se sont acheminées vers des voies sectaires ou bloquées.
Vous-est-il possible d'être plus explicite à la lumière, bien entendu, de la prolifération des ouvrages ayant trait à l'écriture de l'histoire?
Un rapide examen de quelques productions récentes dans ce domaine confirme cette tendance. Nous retiendrons deux exemples. Dans un ouvrage sur la genèse du sous-développement en Algérie, on peut recenser une première illustration de cette impasse. Bien qu'ayant le mérite d'aller chercher l'explication du sous-développement affectant la société d'aujourd'hui dans la pénétration, l'implantation et le développement du mode de production capitaliste pendant l'ère coloniale, les limites de ce travail résident justement dans le fait que l'analyse de la société algérienne, (algérienne et européenne confondues), est faite en termes strictement économiques.
Pour avoir nié ou méconnu l'aspect politique et l'articulation entre infrastructure économique et superstructure politico-idéologique, pour avoir omis de faire une dichotomie entre les deux sociétés et les classes correspondantes, l'auteur finit par être victime du piège de l'«économisme».
Sommes-nous là en présence d'une déliquescence en matière de réflexion?
La pauvreté des réflexions dans ce domaine est une caractéristique avec laquelle il faut compter. Quelques ébauches commencent à germer, c'est le cas des travaux de M. Harbi, c'est le cas aussi de certaines réflexions de R. Galissot, et dans une certaine mesure de celles de J.C. Vatin. L'impasse dans laquelle se trouvent les chercheurs implique du reste un certain nombre d'entre eux à contourner ces problèmes et à proposer de singulières variantes explicatives. Des phénomènes politiques sont soumis à des interprétations psychosociologiques où l'explication est recherchée à partir de notions de «groupes», «d'individus» comme c'est le cas de M.Carlier. On réduit un mouvement ou un parti politique soit à l'étude de sa structure directionnelle (voire à quelques-uns de ses rescapés) ou encore à son chef comme l'illustre pour ce cas la thèse de Benjamin Stora sur Messali Hadj.
Vous êtes l'un des rares, sinon le seul, à avoir mis l'accent sur le silence à tout le moins significatif de Messali Hadj sur la création de l'Etoile nord-africaine... Qu'en est-il à la lumière des archives du PCF par vous consultées?
En réalité, ce silence nous interpelle tous à partir de la lecture de ses mémoires, et des archives communistes en matière coloniale. S'il reste évasif dans ses mémoires, des archives attestent cependant qu'il était présent à la réunion de la Commission coloniale du PCF en date du 9 septembre 1926, commission qui avait en charge la mise en place du programme et des structures de l'ENA. Sauf que malgré sa présence, il ne dit mot. Il est utile de rappeler au lecteur que Messali Hadj était présent à l'assemblée générale constitutive de l'ENA au 162 bd de l'Hôpital à Paris le 12 juin 1926. On peut conclure, à l'évidence, que ce silence n'est pas fortuit. Il est même déconcertant.
En quoi justement, la résolution des mystères de la création de l'ENA et la genèse du nationalisme séparatiste sont-elles à mettre à l'actif d'une école de l'historiographie et de la sociologie algériennes?
Le silence sur la genèse du nationalisme séparatiste a duré plus de 30 ans. De nombreux chercheurs ont essayé d'en percer le mystère, mais en vain. Certains ont exploité la piste tunisienne, d'autres la marocaine, mais sans résultat. Pour ma part, j'ai prospecté les archives officielles françaises comme celles du PCF déposées à l'Institut marxixte-léniniste de Moscou. De la même manière que j'ai exploité la piste indochinoise.
Les archives en question ont permis de reconstituer le puzzle de l'indépendantisme algérien.
Ce travail a permis, de l'avis même de M. Mohamed Harbi, de résoudre l'énigme de la création de l'ENA et de la genèse du séparatisme. Le fruit de ce travail qui a demandé des années de labeur et, quelque part, d'entêtement à chercher et à trouver la vérité, est à inscrire à l'actif de ce que j'ai appelé «la jeune école de l'historiographie et de la sociologie algériennes».
En quoi l'élite intellectuelle algérienne installée en France vivait-elle un double exil et une double déchirure?
Concernant l'élite algérienne établie en France, on peut dire qu'elle vivait une double existence, une double déchirure. Messali Hadj avait appelé de tous ses voeux, en 1934, cette élite à venir prendre part au combat pour l'indépendance du Maghreb sous l'égide de l'ENA. A part l'avocat Boumendjel que les rapports de police signalent comme ayant des relations avec l'ENA, peu d'intellectuels ont répondu à cet appel. Faut-il rappeler aussi que Abdenour es-Sebti d'El-Eulma, membre du comité central de l'ENA, avait été chargé de créer en 1927 l'Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA) sous l'égide de l'organisation messaliste, fait jusque-là inconnu de l'histoire? On voit donc que l'intelligentsia algérienne avait déserté en son temps le terrain de la lutte pour l'indépendance.
Cela aura pour conséquence de précipiter la candidature de plébéiens, d'une élite ouvrière à la direction du Mouvement national. Cela aura aussi pour effet de susciter un sentiment de méfiance à l'égard des intellectuels: c'est là, à mon sens, la genèse de leur marginalisation, une marginalisation qui ira en se développant jusqu'à aujourd'hui au sein de la classe politique nationale.
Il faudra attendre, lit-on dans votre ouvrage, 1936-1937 pour voir une partie de l'élite algérienne se réveiller aux revendications séparatistes. Le Parti du peuple algérien était-il la seule organisation politique à y avoir contribué?
A partir de 1937, surtout dès l'avènement du PPA le 11 mars 1937 à Nanterre, les données vont quelque peu changer. Tout d'abord le transfert des activités de ce parti vers Alger va ouvrir de nouvelles perspectives.
Déjà, la revendication de l'Indépendance nationale comprise dans le discours de Messali Hadj au stade municipal d'Alger en 1936 avait fait l'effet d'une bombe.
De jeunes Algériens issus de milieux modes tes commencent à accéder en plus grand nombre aux écoles et autres lycées d'enseignements secondaire et professionnel. C'est cette jeunesse qui va constituer l'embryon de la nouvelle élite appelée très vite à connaître un essor considérable. Parmi eux, il est aisé de citer Hocine Lahouel, Benyoucef Benkhedda...
Il n'est pas de société historique sans «écriture de l'histoire». Qu'en pensez-vous?
S'agissant de l'écriture de l'histoire, il est aisé de dire que de grands progrès ont été faits en direction des différentes catégories de la population soit par les écrits, la vulgarisation, les films, les débats, ou les programmes d'enseignement qui ont abouti à une plus large connaissance de l'histoire tant par les anciennes que par les nouvelles générations. Mais beaucoup reste à faire. Notre ami Abdelkrim Badjadja, ancien responsable des Archives nationales, nous a fait part du désarroi d'un homologue français, en charge des archives de l'armée de terre, regrettant de ne plus recevoir de chercheurs algériens alors qu'en France de jeunes générations d'historiens sont en train d'assurer la relève.
Il nous faut donc libérer l'histoire prise comme otage, les mémoires et permettre l'accession la plus large aux archives que les autorités détiennent. Des archives vouées à l'humidité et aux moisissures comme celles sur le déclenchement du 1er novembre 1954 récemment restituées par la France. Tôt ou tard, de plus en plus de langues se délieront et des mémoires se libèreront. Tout dépend cependant de la volonté politique des pouvoirs publics algériens pour rattraper ce retard que nous accusons en la matière vis-à-vis de la France... Le cas échéant, nous aurons failli puisque c'est l'histoire dominante, telle que conçue et écrite par des Français, qui s'imposera à nous.
Le recul de la crise économique ne passe- t-il pas par la reconstruction de l'histoire de tout un peuple?
Peu de pays échappent à cette nouvelle règle déterminée par la mondialisation. Parler de crise aujourd'hui, c'est parler d'une confrontation sourde entre les intérêts du capitalisme international et ceux de pays émergents soucieux d'en finir avec les anciens rapports de domination. Est-ce à dire que l'histoire se répète?
C'est en ce sens que la question de l'histoire prend toute sa dimension. On oublie trop facilement que les luttes pour l'Indépendance nationale ont commencé, dès les années 1900, soit depuis plus d'un siècle. Mais hélas, ces indépendances ont été vidées de leurs projets initiaux. Ce qui explique pourquoi il n'est pas tenu compte du rôle que peut jouer la dynamique historique dans le recul de la crise économique.


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