TLEMCEN - Cinq communications ont été présentées au cours de la première session du colloque international sur Messali Hadj, ouvert samedi à l'auditorium de l'université Abou Bakr Belkaïd de Tlemcen. Passée l'incontournable cérémonie protocolaire qui marque habituellement l'ouverture de telles manifestations scientifiques, les participants au colloque sont passés au vif du sujet, avec le "défilement" de six orateurs venus débattre de la personnalité et de l'action du père fondateur du nationalisme algérien. L'historien et spécialiste de la période 1926-1962, Mohamed Harbi a parlé de "la notion du peuple dans le messalisme", mettant en exergue les relations entre Messali Hadj et l'intelligentsia de l'époque et les circonstances qui ont mené au déclenchement de la révolution armée. Pour l'auteur de "Aux origines du FLN", Messali Hadj représentait, de par ses origines et son appartenance socio-économique et culturelle, le peuple et "menait un double combat en s'imposant à la France coloniale et à l'élite nationale". Mohamed Harbi a estimé que le discours du 2 août 1936, devant plus de 20.000 personnes regroupées au stade municipal d'Alger, est "un geste fondateur" et marque "la volonté d'en finir avec les mentalités anciennes qui excluaient une partie du peuple dans l'activité et la lutte politique". L'historien algérien a estimé qu'à cette époque on a assisté à l'apparition d'une nouvelle élite qui s'appuie sur "des capacités sociales acquises sur le terrain des luttes quotidiennes et dont le peuple est un vecteur de mobilisation politique". Il a indiqué que cette catégorie "s'oppose aux élites lettrées disposant de capacités techniques acquises sur les bancs de l'école française notamment". Mohamed Harbi est également revenu sur les conditions et le contexte historique qui a permis le déclenchement de la lutte armée, le 1er novembre 1954, apportant de nombreux éclairages sur les oppositions des uns et des autres au sujet de l'option de la lutte armée. De son côté, Kadri Aîssa, sociologue et spécialiste de l'émigration s'est intéressé aux relations de la gauche française avec le messalisme. Tout le long de son intervention, il a reconstitué les différentes positions de la gauche française vis-à-vis des idées et des combats menés par Messali Hadj. Dans ce contexte, il s'est longuement attardé sur les relations entre le parti de l'Etoile nord-africaine (ENA) et le parti communiste français (PCF) et tout le processus ayant conduit au "divorce" entre ces deux partis. Le conférencier a souligné que le soutien à l'ENA puis au PPA et au MTLD et les positions anticolonialistes de la gauche française sont à chercher plutôt du côté des groupes et partis d'extrême-gauche, des syndicats et des militants dissidents de la gauche. L'historien et chercheur associé au CRASC et ex-responsable des archives de la wilaya d'Oran, Fouad Soufi est revenu sur la portée du discours de Messali Hadj, prononcé lors de la tenue du Congrès musulman au stade d'Alger. "Même improvisé, ce discours a été le fruit d'un long parcours et cheminement politique et militant de Messali Hadj", a-t-il souligné. Le conférencier a rappelé que dans son discours, Messali n'a jamais prononcé le mot magique "indépendance" mais cette allocution a "tapé juste" puisque cette revendication a été suggérée en filigrane, en parlant de la terre qui appartenait aux Algériens. Ce discours a suscité, selon M. Soufi, de longs débats parmi l'élite et la classe politique nationales de l'époque qui, tout en dénonçant les réactions de l'administration française, ont adopté des positions divergentes et allant à l'opposé des aspirations du peuple algérien. "Le génie de Messali est d'avoir sorti du ghetto le mot indépendance en le faisant dire par les autres", a-t-il estimé. Melle Leila Benkalfat, petite fille de Messali Hadj, doctorante à l'université Paris 8, a parlé de "l'internationalisation de la question algérienne dans les grandes instances internationales". La communicante, qui s'est trop souvent laissée piégée par ses sentiments, a essayé de présenter la longue séquence d'une trentaine d'années (1926-1962) au cours de laquelle la question algérienne a été posée et débattue sur la scène internationale et lors de nombreux forums mondiaux. L'oratrice a rappelé que c'est lors du Congrès mondial anti-impérialiste de Bruxelles (1927) que Messali Hadj a présenté la plate-forme de l'Etoile nord-africaine et revendiqué l'indépendance de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Dans sa longue intervention, elle a présenté tous les grandes tribuns représentés aussi bien par la Société des nations (SDN), l'ONU, la Ligue arabe et le mouvement des Non-Alignés dans lesquelles la question algérienne a été abordée, débattue et défendue jusqu'à l'accession de l'indépendance nationale. Enfin, Mme Siari-Tengour, chercheure associée au CRASC et historienne à l'université de Constantine s'est intéressée au voyage de Messali Hadj dans le Constantinois, effectué entre le 15 et 23 avril 1952. Elle a longuement insisté sur le fort impact de cette visite sur les populations des localités visitées et la réaction brutale de l'administration française qui a écourté cette visite, par peur aux réactions de sympathie et de mobilisation suscitées par la présence du "Zaïm" parmi les populations locales. Les membres de l'Association des élèves des médersas et lycées de Tlemcen, tout le long du déroulement de ces travaux, ont insisté sur la nécessité "d'adopter une approche rigoureuse et moins affective en veillant sur la rigueur de la démarche scientifique" et "participer au devoir de mémoire". Une exposition de photos d'archives consacrées à Messali Hadj a suscité l'attention de la grande foule, composée de chercheurs et de passionnés de l'histoire nationale et également de centaines d'anonymes et de vieux militants dont le seul nom de Messali Hadj éveille en eux des souvenirs et des étapes fondamentales de leur vie et de leur pays. Colloque international sur Messali Hadj à Tlemcen TLEMCEN - Un colloque international sur Messali Hadj (1898-1974) s'est ouvert, samedi à l'auditorium de l'université Abu Bakr Belkaïd de Tlemcen. Cette rencontre scientifique, de deux jours, est organisée par l'association des anciens élèves des médersas et lycées de Tlemcen (Ecolymet) en collaboration avec le Laboratoire des études civilisationnelles de l'université de la capitale des zianides. Elle est la seconde du genre à être consacrée à cette figure emblématique de l'histoire contemporaine nationale, après celle tenue, dans la même ville, en 2000. Pour marquer l'importance de ce colloque, les organisateurs ont retenu comme slogan "cette terre n'est pas à vendre", en référence au discours prononcé, il y a 75 ans, par Messali Hadj à son retour de Paris, le 2 août 1936, au stade municipal d'Alger. Cette allocution marque la détermination de cette figure historique à poursuivre son combat politique, malgré l'interdiction par l'administration coloniale de l'Etoile nord-africaine (ENA), premier parti politique a revendiquer clairement, dès 1926, l'indépendance nationale. Ce 2 août 1936, selon les historiens, devant une foule nombreuse, Messali Hadj, a ramassé une poignée de terre avant de s'exclamer : "cette terre bénie qui est la nôtre, cette terre de baraka, n'est pas à vendre, ni à hypothéquer. Cette terre a ses enfants et ses héritiers, ils sont là vivants et ne veulent la donner à personne". Le programme retenu par les organisateurs prévoit l'intervention de plusieurs conférenciers qui devront aborder la personnalité et l'action de cette figure historique algérienne à travers plusieurs problématiques. Parmi les invités conviés à communiquer, on relèvera, outre la présence des historiens Mohamed Harbi et Benjamin Stora, des références incontournables de la période 1926-1962, celles de omar Carlier, Fouad Soufi, Kadri Aîssa, Belaîd Khelifa, Boudjellal Abdelmadjid, Siari-Tengour et bien d'autres. La présidente d'honneur du colloque, Mme Djanina Messali Benkelfat, la fille de Messali Hadj animera une conférence sur "La genèse de l'insertion de Messali Hadj dans le processus historique ou la réécriture de l'histoire de l'Algérie".