Une vue du colloque Des témoignages émouvants des acteurs de la révolution ont mis en valeur le rôle de la région dans la guerre de libération. La commune d'Akfadou a été une nouvelle fois au rendez-vous avec l'Histoire. Après avoir été «le port des moudjahidine» et abrité le PC de la Wilaya III historique durant la guerre de Libération nationale, depuis jeudi cette région a réuni des historiens nationaux et étrangers avec les acteurs de la révolution pour un premier Colloque international afin de débattre des assises du congrès de la Soummam et les leçons qu'il faut tirer de cette date symbole de l'histoire récente de notre pays. Après le dépôt d'une gerbe de fleurs au carré des martyrs et l'inauguration d'une fresque murale dédiée aux quatre héros de la révolution, les participants se sont retrouvés à la maison de jeunes de la localité pour l'entame des travaux du colloque. Organisé par la commune d'Akfadou en partenariat avec l'Assemblée de wilaya de Béjaïa, le Forsem de Lyon (Forum de solidarité euroméditerranéenne) et Med Action d'Akbou, ce colloque a failli déraper dès son ouverture. Les organisateurs ont reproché au président d'APW d'obédience FFS, de vouloir récupérer l'événement au profit de son parti, même si de visu, les organisateurs étaient en majorité des cadres et militants du plus vieux parti d'opposition. Une tentative, que seuls les plus initiés auraient remarquée. Lui succédant, le jeune maire de la localité, en l'occurrence Hadadou Mehenni, rectifiera le tir, avant que Dalila Aït Djoudi ne fasse une mise au point nécessaire en rappelant que le colloque n'obéit à aucune chapelle politique. C'est ensuite au tour des témoignages des acteurs de la révolution. Tous, aussi émouvants les uns que les autres, les intervenants ont mis en valeur le rôle de la région dans la guerre de libération insistant sur le qualificatif de «Marsa el moudjahidine» attribué depuis toujours à la région d'Akfadou, dans le sens où elle était à l'époque de la guerre, la région par laquelle transitaient tous les maquisards et où se reposaient sereinement les moudjahidine. C'est pourquoi Rachid insistera sur la réhabilitation de certains lieux historiques aussi bien de la région que de celles du reste du pays pour que les nouvelles générations puissent s'y ressourcer, afin que personne n'oublie. Dans l'après-midi, sous la modération de Dalila Aït Djoudi, le contexte politique du congrès, qui devait être abordé par Gilbert Meynier (professeur émérite, à l'université de Nancy II) sous le thème «Algérie 1956: enterrement du politique et paroxysme de la violence», a été communiqué et sera publié dans la revue du colloque. Le conférencier ayant été retenu pour des raisons de santé. Belaïd Abane (politologue et professeur des universités en médecine, Paris), a traité, quant à lui, du thème «la primauté soummamienne du politique sur le militaire: d'Ifri au Caire, une vie éphémère». Gilles Manceron (historien, responsable du groupe de travail «Mémoire, histoire, archives» de la Ligue française des droits de l'homme, Paris) a développé «Conceptions, définitions, débats sur la nation algérienne en France et en Algérie durant la période coloniale et la guerre d'indépendance». Tahar Khalfoune (universitaire IUT Lyon 2, docteur en droit public) a clôturé la première journée sur «L'impact de l'histoire commune sur la construction des deux pays». Hier, c'était au tour de Jean-Charles Jauffret (professeur émérite, IEP Aix-en-Provence) de donner une conférence sur «Les appelés français en guerre d'Algérie en 1956». Dalila Aït Djoudi (docteur en histoire militaire et études de défense, enseignante à Toulon), parlera de «L'Armée de Libération nationale algérienne et ses transformations politico-administratives après le congrès de la Soummam». Hamou Amirouche (université San Diego, Californie), Abane et Ali Guenoun, (docteur en histoire) ont axé leurs interventions respectivement sur «Rassembleur et artisan du congrès de la Soummam», «Les cadres de la Wilaya III historique et la direction de la guerre après le congrès de la Soummam». Le colloque s'est achevé dans l'après-midi par des visites guidées au musée de la Soummam à Ifri et à l'ancien quartier général du colonel Amirouche, Wilaya III historique à Akfadou. Les impressions Hocine Smaili présidentde Med Action «Ce colloque est la suite logique des précédents rendez-vous motivés par l'impératif de réunir les historiens des deux rives de la Méditerranée avec les acteurs de la révolution pour tenter d'écrire l'histoire de l'Algérie qui reste encore peu connue. Il est temps de laisser les universitaires et les scientifiques écrire seuls l'histoire loin des influences politiciennes. 60 ans après la tenue du congrès de la Soummam nous voulons connaître réellement son apport pour la révolution qui a débouché sur le recouvrement de la souveraineté nationale.» Jean-Charles Jauffret, professeur émérite, IEP Aix-en-Provence «Je suis agréablement impressionné par l'absence de la langue de bois et la restitution à sa juste place de l'histoire et la mémoire kabyle. Il n'aurait pas eu les aires et la Kabylie, il n'aurait pas d'ALN. Les témoignages de ce matin étaient émouvants. Ces personnes vont bientôt disparaître et j'ai le même sentiment pour les témoins français. Donc il est temps de les entendre. Ces vieux moudjahidine ont maintenant la parole plus libérée. Il faut les prendre en considération. L'histoire tend vers l'exactitude, nous cherchons les vérités et nous travaillons avec des collègues algériens la main dans la main pour arriver non pas seulement à des vérités, mais à des sentiments de ce qui ont vécu ces événements. J'ai parlé de ceux que les Français de leur côté ont vécu et les sentiments éprouvés. C'est une guerre subie. On ne leur a pas demandé leur avis dans leur majorité. Il y avait une armée de 400.000 hommes sur le terrain dont les trois quarts étaient des appelés, présents par notion de devoir.» Gilles Manceron historien, responsable à la Ligue française des droits de l'homme, Paris «Cette initiative est la bienvenue car elle intervient 60 ans après le congrès de la Soummam du FLN ce qui explique son importance parce que les cadres et les gens qui l'ont organisée se sont donné le temps de réfléchir à la nation algérienne dans ce qu'elle était et ce qu'elle allait devenir dans la cadre de la lutte pour l'indépendance. Partant de la Déclaration du premier novembre, ils ont débouché sur quelque chose de plus précis, une réflexion sur les principes qui devront guider vers la construction de la nation, notamment la primauté de l'intérieur sur l'extérieur et du politique sur le militaire. Il est important de travailler sur l'histoire pour s'écarter des instrumentalisations et utilisations que font tous les politiques par rapport à l'histoire car c'est un moyen de se légitimer par rapport au présent. J'ai traité de la question de la nation algérienne et la manière dont la France a nié son existence et puis je me suis interrogé sur le moment où le Mouvement national a discuté de la nation algérienne, notamment en 1956 lors du congrès de la Soummam en faisant un parallèle avec un autre moment, en 1949, avant le FLN, à l'époque de Messali Hadj scertains ont voulu commencer à réfléchir sur la diversité de la nation et son monolinguisme et la reconnaissance d'apport possible des populations qui ne sont pas autochtones.» Tahar Khalfoune, universitaire IUT Lyon 2, docteur en droit public «L'initiative a été prise l'an dernier avec une historienne qui est Dalila Ait Djoudi. La possibilité de réunir dans une rencontre les historiens français et algériens a été mûrie depuis donc un an pour la raison essentielle que le congrès de la Soummam a été laissé comme terrain en jachère. Un terrain scientifique qui n'a pas été exploité et n'a pas fait l'objet de travaux académiques. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé avec le maire de la commune d'Akfadou et les partenaires d'aller vers ce colloque pour faire un peu la lumière sur cet événement et de revisiter les résolutions de ce congrès de la Soummam qui restent encore d'actualité. Je pense que c'est un événement majeur, il faut que l'université algérienne se saisisse, notamment les historiens, de ce congrès pour tirer les meilleures leçons et de les mettre en rapport avec l'actualité de notre pays qui s'enfonce un peu plus chaque année dans un marasme politique et l'issue se fait attendre.» Haddadou Mehenni, président de l'APC d'Akfadou «C'est pour nous un honneur et un devoir d'accueillir un événement de cette taille qui traite de l'une des dates symboles de notre pays, à savoir le congrès de la Soummam. L'idée n'est pas fortuite, elle a été longuement réfléchie. 60 ans après nous avons jugé avec nos amis de la région qui vivent en France de consacrer cette année un événement, un colloque qui va réunir des historiens et universitaires des deux rives pour débattre du congrès de la Soummam en présence d'un public nombreux comme vous le constatez et une couverture médiatique à la hauteur de l'événement. Ça ne sera pas la première nous allons essayer de pérenniser l'évènement et lui donner une dimension scientifique et de voir l'histoire sous un autre angle.»