Le secrétaire général du RND lors de sa conférence de presse Il récuse le qualificatif de printemps algérien, le comparant à «un hiver nucléaire», en référence au «chaos politique qui a régné dans le pays entre 1988 et 1992» et la tragédie nationale qui a suivi. De 2014 à 2016, l'Algérie a pris la même trajectoire qu'entre 1986 et 1988, en matière de ressources financières. Les prix du pétrole dégringolaient. Il se trouve, cependant qu'au jour d'aujourd'hui, à 23 ans d'intervalle, le pays conserve la souveraineté de sa décision économique. C'est qu'entre-temps, la leçon d'octobre a été retenue, insiste le secrétaire général du RND qui rappellera les décisions «salutaires» prises par le président de la République. Le payement anticipé de la dette extérieure et l'institution d'un Fonds de régulation des recettes, en sus des réserves de changes accumulées au fil des années «ont agi en amortisseurs», évitant au pays un autre crash financier. De fait, le FRR a donc totalement rempli sa mission et démontré sa raison d'être, confondant ainsi, estime Ahmed Ouyahia, tous ceux qui critiquaient la logique de l'épargne préconisée par le chef de l'Etat et proposaient la création d'un Fonds souverain, à l'image des pays du Golfe. «Si l'Algérie avait choisi l'option des fonds souverains, elle aurait perdu toute sa mise en 2008 et on n'aurait rien pour faire face à la crise aujourd'hui». Totalement convaincu par les choix économiques stratégiques de l'Algérie, le secrétaire général du RND regrette néanmoins que dans la société, on n'ait pas réellement retenu la leçon d'octobre. Qualifiant les événements qui ont fait des dizaines de morts parmi les jeunes Algériens et ouvert la voie à la démocratie, de manoeuvres politiciennes, le directeur de cabinet de la présidence de la République, récuse le qualificatif de printemps algérien, le comparant à «un hiver nucléaire», en référence au «chaos politique qui a régné dans le pays entre 1988 et 1992» et la tragédie nationale qui a suivi. Les subventions en question En réponse à une question sur une régression du débat politique en comparant les deux périodes, Ahmed Ouyahia retient de l'ouverture démocratique des signes plutôt négatifs où l'irresponsabilité des politiques a conduit à la tragédie nationale. Pour le secrétaire général du RND, c'est justement cette tendance à tout désacraliser qui a conduit une politisation à outrance de la religion. Les conséquences ont les connaît. Il reste que la conviction de Ouyahia est ferme quant à la nature des événements d'octobre. «Ce n'était pas une révolution, mais la conséquences de luttes au sein du système», affirme-t-il, non sans souligner que la société avait été préparée à cela, à travers la déconsidération outrancière de l'élite politique de l'époque. Pour Ouyahia, c'est en cela que la leçon d'octobre n'a pas été retenue, puisque constate-t-il, au niveau de la population, on retrouve les mêmes codes de langage. «Rappellez-vous l'expression Blade Mikey» qui était usitée à la veille de l'explosion d'octobre. Ouyahia croit voir les mêmes ingrédients. Il y a comme une volonté de démobilisation de la société pour la retourner contre le gouvernement. Le conférencier apporte des arguments à son propos et cite les troubles vécus à Ghardaïa, les présentant comme une tentative de déstabilisation du pays qui viendrait de l'intérieur et de l'extérieur. Ouyahia ne mâche pas ses mots et désigne indirectement la France dans le mouvement antigaz de schiste. «José Bové et ses amis ont tenté de convaincre des Algériens que le gaz de schiste est contre leurs intérêts. Lorsqu'on apprend qu'une puissance étrangère cherche par tous les moyens à vendre ses centrales nucléaires. Son intérêt dans l'abandon par l'Algérie de la nouvelle source non conventionnelle de gaz. Nous avons les deuxièmes plus importantes réserves mondiales, après la Chine et ils veulent qu'on ne les exploite pas», s'indigne-t-il, tout en reconnaissant une erreur de la part du gouvernement sur la question du gaz de schiste. Mais ce dossier est cité à titre illustratif seulement pour démontrer une chose, à savoir que les puissances occidentales font peu de cas des intérêts des Algériens. Et pour cause, «leurs institutions financières internationales nous conseillent des mesures que leurs gouvernements n'adoptent pas», note le directeur de cabinet de la présidence de la République qui illustre son propos par la décision de la Banque d'Algérie de baisser le taux de réescompte, alors que techniquement la conjoncture ne s'y prête pas. «Le FMI et la Banque mondiale vont sans doute critiquer cette mesure, mais il faut aussi rappeler que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne ne se gênent pas d'opérer de pareilles actions pour sauver leurs économies», affirme-t-il, non sans souligner que l'Algérie est totalement souveraine de sa décision économique et financière. Ahmed Ouyahia insiste sur cette indépendance dans la confection de la loi de finances. Un texte que son parti approuve, même si dans le volet du système de subvention, le gouvernement ne l'ait pas suivi. Mais Ouyahia a son explication. Sans évoquer la spécificité de 2017 qui est une année électorale, il explique la réticence de l'Exécutif par une volonté de ne pas prêter le flanc à l'opposition, mais aussi par le fait que la réflexion sur un nouveau système de subvention n'est pas encore mûre. On retiendra néanmoins des propos du secrétaire général du RND, la satisfaction d'un budget globalement social avec un taux de 23% réservé aux transferts sociaux, en sus des 1 200 milliards de dinars qui seront dépensés dans la formation professionnelle, l'Education nationale et l'enseignement supérieur. En un mot comme en mille, le RND est en totale harmonie avec les choix stratégiques de la loi de finances 2017. Cela, sans toutefois, écarter les faiblesses qui caractérisent l'économie nationale entièrement dépendante des hydrocarbures. «Salade» politicienne A ce propos, Ahmed Ouyahia qui a salué le succès de la réunion de l'Opep d'Alger, a estimé que cela ne devrait pas constituer une potion magique. «Le prix d'équilibre pour le budget du pays est de 80 dollars le baril. Dans le contexte actuel, il ne faut pas espérer l'atteindre, mais avec une loi basée sur 50 dollars le baril, nous espérons faire 8% de déficit», affirme-t-il, concédant tout de même au fait que ce ne sont que des prévisions optimistes. Et d'ajouter: «Même à 8%, le déficit est trop important. Pour équilibrer, il nous faut emprunter 10 milliards de dollars. Le seuil tolérable est de 3%». Sur la question des binationaux, Ahmed Ouyahia dit être d'accord avec la philosophie de la loi. «L'Etat doit préserver un carré vital pour les Algériens. Cette pratique est usitée dans tous les pays du monde.» Cependant, il estime que le texte en question n'a pas été assez exhaustif. «j'estime que la fonction d'ambassadeur, de P-DG de Sonatrach et d'autres postes sensibles, devraient être occupés par des Algériens qui ne disposent que de leur nationalité d'origine.» Autant il était prolixe lorsqu'il s'agissait de questions en rapport avec l'économie, autant il a botté en touche pour toutes les questions relatives à la dernière actualité politique, mettant le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, au-devant de la scène. Refusant de commenter les propos de Saâdani au motif qu'ils ne constituaient pas un événement, Ahmed Ouyahia a néanmoins souligné le respect qu'il vouait à Abdelaziz Belkhadem, objet, rappelons-le, de graves accusations proférées par Amar Saâdani. La «salade» politicienne ne l'intéresse donc pas. Il préfère réserver ses commentaires à une actualité moins évidente, mais à ses yeux significative. L'affaire des crânes de martyrs algériens entreposés dans un musée français, constitue pour Ahmed Ouyahia une autre manoeuvre de l'ancienne puissance coloniale. «Ils nous disent que la France est prête à restituer ces crânes, mais le gouvernement algérien n'a toujours pas formulé sa demande. Une manière de dire: c'est votre gouvernement qui n'en veut pas», explique-t-il. Et de s'interroger: «Il est vrai que ces crânes doivent être enterrés en Algérie. Si on faisait cela, ils seront oubliés comme les millions d'autres chahids. Mais si on les laissait dans leur boîte en France, cela leur rappellerait toujours les horreurs que la colonisation française a commis en Algérie.» Ouyahia ouvre une piste et explique aussi l'attitude de l'Etat algérien qui ne veut toujours pas se positionner officiellement sur ce dossier. Les contradictions constatées entre Bouchouareb et Belaïb, tous deux membres de la direction du RND, sur l'importation des voitures de moins de trois ans et autres insinuations sur des incohérences au sein de l'Exécutif, relèvent du fonctionnement normal dans n'importe quel gouvernement de par le monde. Quant à l'autre grand dossier de l'heure, à savoir l'abrogation de la retraite anticipée, encore une fois, Ahmed Ouyahia affirme son plein soutien au gouvernement.