Les différents responsables ne veulent pas voir la réalité en face Après les distributeurs, l'Onil met en cause «certaines laiteries» qui spéculent sur le dos des citoyens avec les subventions de l'Etat. Depuis quelques semaines, les Algériens ont l'impression d'être revenus trente ans en arrière. Ce n'est pas à cause des Stan Smith qui sont revenus à la mode, mais de chaînes humaines pour espérer avoir un...sachet de lait. Un air amer d'une époque bien révolue. Eh oui, en 2016, au lieu de travailler, le citoyen est encore obligé de passer sa journée à monter une «stratégie militaire» pour pouvoir ramener du lait à ses enfants le soir en rentrant. Une malheureuse réalité que certains avaient attribuée à la situation économique du pays et la réduction des importations de poudre de lait. La couleuvre aurait pu passer si c'était le cas. Mais voilà que l'Office national interprofessionnel du lait (Onil) révèle que les raisons sont tout autres. Il faut aller chercher du côté de la spéculation...«La perturbation de la distribution du lait en sachet n'est pas due à une réduction des quotas de poudre de lait, mais a été provoquée par certaines laiteries suite à une enquête ayant constaté des irrégularités», a indiqué le directeur général de l'Onil, Fathi Messar. «Il n' y a pas eu de réduction de quotas, mais de réajustement», affirme-t-il citant le cas de la capitale où l'Office national interprofessionnel du lait (Onil) avait opéré une réduction d'à peine 6%. Ce qui est insignifiant, selon lui, par rapport aux 2220 tonnes distribuées mensuellement à travers les laiteries de la wilaya d'Alger. «Cette légère réduction ne peut pas créer une telle perturbation. C'est plutôt de la provocation», soutient ce même responsable. Messar précise que ce ne sont pas toutes les laiteries qui sont concernées par cette ponction opérée suite aux résultats de l'enquête menée par une commission intersectorielle pour vérifier l'utilisation et la traçabilité de la poudre de lait subventionnée par l'Etat et vendue aux transformateurs pour produire du lait en sachet. «Certains producteurs essayent de mettre la pression pour que nous revenions sur nos décisions», estime-t-il. «Il y a des intérêts qui ont été touchés par cette enquête, ce qui a provoqué cette perturbation», souligne-t-il. Le directeur général de l'Onil assure que les quantités produites quotidiennement suffisent largement pour couvrir la demande, sachant que l'office dispose également d'un stock de poudre de lait lui permettant de couvrir la demande jusqu'en juin 2017. La commission intersectorielle, composée de représentants de l'Onil, des directions de la concurrence et prix du secteur du commerce (Dcp) et ceux des services agricoles au niveau des wilayas (DSA), a été installée en été dernier sur instruction du Premier ministre. L'enquête a touché plus de 100 laiteries privées et publiques et a révélé «beaucoup d'irrégularités» dans l'utilisation de la matière première subventionnée destinée à la production du lait en sachet, selon le même responsable. Parmi les infractions constatées, ce responsable cite la fraude dans la quantité de poudre utilisée pour la production d'un litre de lait en sachet, qui est inférieure aux normes exigées. Selon les normes, 103 grammes de poudre de lait sont nécessaires pour un litre de lait, alors que certains transformateurs utilisent beaucoup moins que ça, révèle-t-il. Ainsi, ces transformateurs indélicats sont soupçonnés d'utiliser la différence dégagée de cette poudre de lait subventionnée pour la production de produits dérivés (petit-lait, lait caillé...) puisque ces transformateurs ne mentionnent pas sur l'emballage l'origine de la matière première utilisée. Sur les 190 laiteries activant sur le marché, l'Onil est lié à travers des contrats à une centaine de transformateurs dont 15 unités publiques qu'il approvisionne en poudre de lait subventionnée destinée uniquement à la production du lait en sachet. Le kilogramme de poudre est cédé par cet office à 157 DA, alors qu'il est acheté sur le marché international à plus de 300 DA/kg. Le montant de la subvention de lait a coûté à l'Etat 32 milliards DA en 2015 contre 47 milliards DA en 2014, fait-il savoir en relançant le débat sur les «sangsues» des subventions. Les laiteries ne sont pas les seules à spéculer sur le dos des citoyens avec les subventions de l'Etat. A tous domaines subventionnés, ils se sont greffés pour s'enrichir au détriment de la politique sociale mise en place par l'Etat. N'y a t-il personne pour arrêter ce crime...? Chelgham et la théorie du...complot La théorie du complot est confirmée par le ministre de l'Agriculture du Développement rural et de la Pêche, Abdessalam Chelgham. Il a réfuté, jeudi dernier à Aïn Defla, la thèse de l'existence d'une pénurie de lait, affirmant que dans le cas où il s'avère que cette pénurie existe, celle-ci ne pourrait qu'être «organisée». «Je suis formel: dans les conditions actuelles, il ne peut pas y avoir de pénurie de lait et si celle-ci venait à se manifester, cela voudrait dire qu'elle est organisée», a soutenu Chelgham, Le ministre a affirmé que la quantité qui est aujourd'hui attribuée aux laiteries en matière de poudre de lait suffit «largement» à couvrir les besoins de la population en sachets de lait, observant que la survenue d'une pénurie ne pourra qu'attester que le produit attribué n'a pas été utilisé aux fins pour lesquels il était destiné initialement.