L'ancien et le nouveau Le candidat improbable qui promettait une «alternative totale» a infligé un désaveu cinglant à l'ancien président Nicolas Sarkozy, dont il fut le fidèle Premier ministre de 2007 à 2012. Coup de tonnerre dans le ciel de la droite française qui découvre, abasourdie, le résultat du premier tour de la primaire. C'est donc le très conservateur François Fillon, ancien Premier ministre, qui, parti comme la tortue de la fable aux côtés de six candidats dont deux mastodontes nommés Juppé et Sarkozy, a fini très fort avec une avance plus que confortable. Tous derrière et lui devant, il avait senti le vent tourner, deux ou trois jours avant le troisième et dernier débat, et du coup il avait galvanisé ses troupes en mettant l'accent sur son ambitieux programme dénué de toute concession et de toute compromission. Candidat austère, ce représentant de la démocratie chrétienne est le grand favori du second tour de la primaire de la droite bien que tout reste possible, compte tenu des paramètres de l'abstention, des ralliements de dernière minute et des ententes entre états-majors. Agé de 62 ans, François Fillon aura réussi une percée fulgurante dimanche, avec 44% des voix, face à un autre ancien Premier ministre, Alain Juppé, scotché à moins de 29%. Avec un programme dont il dit qu'il s'agit d'une «alternative totale», il s'est «vengé» de Nicolas Sarkozy dont il fut le fidèle chef de gouvernement de 2007 à 2012 tout en ne partageant que fort peu de certitudes avec lui. Mais la victoire est encore plus savoureuse puisqu'elle lui permet d' «enfoncer» Alain Juppé, donné largement en tête pendant des mois et des mois et héritier légitime de Jacques Chirac qui en avait fait son Premier ministre de 1995 à 1997. Si les pronostics des médias et plus encore ceux des sondages doivent être désormais pris avec la plus extrême prudence, on l'a bien vu avec les résultats de la présidentielle américaine et le Brexit en Grande-Bretagne, la logique voudrait que d'ores et déjà les Français se préparent à un second tour dans lequel la gauche ne jouera aucun rôle et qui verra s'affronter le nouveau champion de la droite républicaine et la présidente du Front national, persuadée d'être à la porte de l'Elysée. Convaincu d'être porté par «une dynamique puissance», François Fillon va tenter de rentabiliser sa première victoire en axant le discours sur son programme, d'abord politique, puis économique. Partisan d'une alliance avec Bachar al Assad et d'une coalition anti-Daesh avec la Russie, il s'oppose à son rival Alain Juppé, très critique vis-à-vis de Damas et plus atlantiste. Vis-à-vis de l'UE, les deux hommes ont également des divergences, Fillon préconisant la création d'un gouvernement de la zone euro quand Juppé veut réformer la machine trop bureaucratique à son goût. Mais là, c'est compter sans Angela Merkel. Sur le registre économique, les différences ne sont pas moindres, Fillon promet de supprimer 500.000 postes de fonctionnaires et Juppé qui juge impossible cet engagement ne parle que de 200.000 tout au plus. Juppé ne cache pas d'ailleurs sa ferme intention de combattre «projet contre projet» pour que les Français sachent réellement à quoi s'en tenir. Le dernier débat qui aura lieu jeudi prochain entre les deux hommes promet d'être rude, François Fillon qui affiche volontiers son admiration pour la «Dame de fer» britannique, Margaret Thatcher, étant prêt à défendre son programme très libéral, avec la suppression d'un demi-million de postes de fonctionnaires ou encore le resserrement des aides sociales. Même si Alain Juppé martèle sa conviction que Fillon ne pourra jamais tenir ses engagements, celui-ci, en tant que catholique empreint des valeurs provinciales, va surfer sur les vents conservateurs, très en vogue non seulement aux Etats-Unis, mais également partout en Europe. S'il est vrai, comme le ressasse Alain Juppé, que cette vague inattendue se fonde sur le personnage bien plus que sur son programme, méconnu par le plus grand nombre d'électeurs, l'image d'honnêteté et de rigueur de celui qui ne traîne aucune casserole judiciaire ne pourra suffire pour dompter la candidate de l'extrême droite qui dénonce sans attendre «un projet économique délirant» alors qu'à gauche, on tire à boulets rouges sur ce «candidat ultra».