Durant toute sa vie, Abdelhamid Ben Badis a milité pour toutes les valeurs et toutes les particularités de notre nationalité identitaire. Face à la politique coloniale française, il n'a cessé d'affirmer que «l'expérience a prouvé, à travers le temps et les circonstances, que nous sommes parmi les plus déterminés à conserver cette nationalité identitaire, et que le temps n'a fait que renforcer notre attachement à cette nationalité et à ses éléments, et il est impossible de nous affaiblir, sans parler de nous intégrer ou de nous faire disparaître. Pour ce qui est de l'aspect politique, la loi de 1865 a décidé de nous considérer comme Français, mais cette loi a été appliquée, et elle est appliquée, d'une manière inique, car on nous impose tous les devoirs français, sans les droits...». L'approche du 16 avril (date commémorative de la mort, à 51 ans, de cheikh Abdelhamid Ben Badis et journée consacrée à Youm el'Ilm pour diffuser le multiple message cultuel, culturel et politique de cet éminent penseur algérien), nous met devant notre bien essentiel : l'Algérie et l'Islam. Ben Badis nous invite à réfléchir à ce que nous étions, à ce que nous sommes et à ce que nous devrions être. Beaucoup disent comment après tant de siècles d'histoire et de civilisation, après tant de fois le pays occupé, après tant de lutte contre les envahisseurs, après 132 ans de colonisation et plus de sept ans de lutte de libération nationale, après plus de quarante ans d'indépendance, nous en sommes encore à nous demander «qui sommes-nous?» Aberration grossière et persistante chez ceux dont la mémoire est courte ou plutôt peut-être totalement perdue ! L'intellectualisme algérien nouveau et ancien, dénaturé par des événements monstrueux de l'histoire et se vouant, par un mimétisme étrange et scandaleux, à un Occident orgueilleux, tue l'esprit. Cela se vérifie bien dans certains pays dits avancés où l'amour de l'autre est un sentiment oublié et souvent même inconnu, où les sources du bonheur social sont taries, où le coeur et la raison n'ont donc plus leur juste place. En lisant Ben Badis par lui-même (*) (des textes du Cheikh, choisis et traduits par Ahmida Mimouni), on se pénètre de sa doctrine, celle de la langue arabe et de l'islah, ce réformisme musulman éclairé dont le promoteur, parmi les plus connus, est Mohammed Rachid Rédha, disciple du cheikh Mohammed Abdou. Dans ses articles de presse (El-Mountaqid, Ech-Chihâb, El-Baçair...), dans ses cours, dans ses conférences, dans ses discours, pendant près de vingt ans, organisateur (il a mis sur pied l'Association des Oulémas), polémiste (il a longtemps argumenté avec succès contre ses adversaires de tout bord) et rassembleur (il a accueilli les partisans politiques authentiquement algériens), Ben Badis a présenté et défendu, en homme de foi et d'action, en humaniste responsable mû par des convictions religieuses et nationalistes claires et toujours explicitées par lui, les grands principes de vie qui devraient inspirer l'Algérien ouvert à la science et au progrès. Ses centres d'intérêt sont la foi, la patrie, la culture, l'éducation et l'instruction (particulièrement celles des filles), la société, la politique. Ses combats quotidiens pour la renaissance et la rénovation s'exercent également contre les maux sociaux: l'ignorance, l'injustice, le maraboutisme négatif qui cultive les superstitions et encourage à la soumission au régime colonial... En publiant, sous le titre Ben Badis par lui-même, plusieurs textes portant sur des sujets autant divers qu'importants de l'éminent penseur algérien et en en assurant, aussi bien le choix que la traduction française, Ahmida Mimouni offre aux lecteurs, ne lisant pas l'arabe, l'opportunité d'aborder quelque peu la pensée de ce grand homme et de l'approfondir pour mieux connaître le père de la Nahdha algérienne. Ben Badis par lui-même (Textes de Cheikh Abdelhamid Ben Badis, choisis et traduits par Ahmida Mimouni). Les Editions En-Nahdha, Alger, 2000, 116 p.