Le retour aux sources version Benoît Hamon L'ancien premier ministre affiche clairement sa rupture avec Benoît Hamon, notamment sur les questions de la dette, de la sortie du nucléaire et de l'Europe. Pour lui, «Hamon veut créer un Podemos, ́ ́corbyniser ́ ́ le parti, mais avec cette ligne-là, il n'y a pas de futur». Qui succèdera à François Hollande? La question est dans tous les esprits, mais la réponse est rien moins qu'incertaine. Le candidat de la droite et du centre mène une rude campagne, mais il reste plombé par les affaires qui ont conduit à sa mise en examen, mardi dernier. La représentante du clan Le Pen, porte-flambeau de l'extrême droite, caracole en tête des sondages, mais au second tour tout indique qu'elle subira le même sort que son père face à Jacques Chirac, porté à bout de bras par un électorat qui rejetait l'extrémisme. Mais aujourd'hui, la scène pêche par un excès de cafouillages et de combines qu'exacerbent les nombreuses frasques des hommes politiques toutes tendances confondues, au point que les électeurs s'avouent gravement indécis. C'est dans cette ambiance délétère que le Parti socialiste a choisi de rompre brutalement avec la synthèse mitterrandienne, avalisant la stratégie de Manuel Valls selon laquelle il n'y a plus une gauche, mais deux totalement irréconciliables. Dans une sortie devant un parterre de partisans dont une centaine de parlementaires, au siège de l'Assemblée, il s'est livré à une diatribe d'une rare violence contre...le candidat de son propre parti, vainqueur de la primaire, il est vrai à son détriment. «Dévoyé, sectaire», Benoît Hamon n'est pas digne d'être soutenu, déclare «avec sincérité» Manuel Valls qui juge son parrainage éventuel «incompréhensible» pour les Français et de ce fait le refuse autant pour le candidat socialiste que pour Emmanuel Macron. «Je n'ai aucune leçon de responsabilité ou de loyauté à recevoir de quiconque» a-t-il argumenté, tranchant et hautain, comme à son habitude. Une «hauteur» en rupture avec le fait qu'il s'est publiquement engagé, au soir des résultats de la primaire, à honorer le contrat qui exige le ralliement de tous derrière le vainqueur du scrutin. L'ancien Premier ministre, observant le patinage de la campagne de l'ex-frondeur, affiche clairement sa rupture avec Benoît Hamon, notamment sur les questions de la dette, de la sortie du nucléaire ou de l'Europe. Pour lui, «Hamon veut créer un Podemos, ́ ́corbyniser ́ ́ le parti, mais avec cette ligne-là, il n'y a pas de futur». Une vision que nourrissent les défections constatées depuis des semaines au profit du candidat Macron rejoint par plusieurs ténors du PS, tendance socio-libérale et donc proches de Valls. Même s'il essaie de montrer qu'il n'en a cure, Benoît Hamon est fragilisé par ces désertions en cascade alors que le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon entend incarner les vraies valeurs qui ont porté le PS et ses alliés au pouvoir, notamment avec François Hollande. Le «peuple de gauche» est à ce point morcelé qu'il ne reste plus au candidat du PS qu'à recoller les morceaux, patiemment, méticuleusement et ce n'est certainement pas l'affaire d'une campagne. La reconstruction d'un vrai PS, tel qu'il était à l'origine, serait-elle son véritable objectif? Les frondeurs ne s'en cachent pas qui le poussent dans cette direction, porteuse d'un vent capable de déraciner les adeptes d'un hollandisme dont Manuel Valls se veut maintenant le porte-parole. Refonder le PS signifie une rupture franche avec toutes les «dérives» que la politique de Hollande et de Valls a imposées au parti, mais les frondeurs regroupés autour de Hamon restent aujourd'hui encore minoritaires, le candidat à la présidentielle étant surtout porté par un électorat jeune et enthousiaste, mais non encarté. Les dirigeants du PS qui guettent le premier faux-pas de Benoît Hamon affichent toujours une solidarité de façade, mais n'en pensent pas moins. Si certains comme Martine Aubry ou Marie Noëlle Lienemann sont à ses côtés, d'autres comme Moscovici n'hésitent plus à encenser Macron. Les calculs sont simples. Beaucoup veulent sauver leur mandat et s'inscrire dans l'après-PS condamné à un crépuscule aussi noir que celui qui a englouti le Parti communiste, soit dans une majorité négociée autour d'Emmanuel Macron soit dans une alliance au coup par coup. Valls rêve d'ailleurs d'une place stratégique dans cette recomposition autour d'un président de la République sans réelle majorité et il entend s'employer à pagayer dans ce sens. Face à un Valls et consorts en embuscade, dans l'attente des résultats du premier tour de la présidentielle, Benoît Hamon est dans une espèce de romantisme politique, martelant que dans «une démocratie, le respect de la parole donnée, c'est important» et que les électeurs de la primaire socialiste «se sentent trahis». Mais qui en a cure quand on voit les invectives échangées de part et d'autre entre les Vallsistes et les fidèles du candidat du PS. Tous les regards sont désormais braqués sur Bercy où Benoît Hamon va devoir prouver que les défections des politiciens sans état d'âme n'affectent pas sa stratégie ni sa campagne électorale. Une mission aussi difficile que décisive...