Le chef de la diplomatie germanique, Sigmar Gabriel, calme le jeu avec la Turquie, se disant favorable au dialogue avec Ankara Le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel, a mis en garde hier contre la rupture des négociations d'adhésion de l'UE avec la Turquie, malgré les inquiétudes des Européens sur les droits de l'homme dans ce pays. «Le gouvernement allemand est strictement opposé à la rupture des négociations d'adhésion», a déclaré M.Gabriel en arrivant à une réunion ministérielle de l'UE à La Valette. «Cela serait une réaction tout à fait mauvaise de notre point de vue», a-t-il ajouté, jugeant que cela risque de «pousser» la Turquie «dans la direction de la Russie». Les ministres de Affaires étrangères de l'Union européenne, réunis à Malte, ont consacré la matinée à discuter de la Turquie, pays avec laquelle les relations se sont gravement détériorées depuis le coup d'Etat avorté de juillet 2016. La crise a atteint un pic en mars lors de la campagne pour le référendum élargissant les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, qui a accusé les dirigeants allemands et néerlandais de «pratiques nazies» et de «fascisme» après l'interdiction dans leurs pays de meetings auxquels devaient participer des membres du gouvernement turc. La plupart des Etats membres de l'UE ont critiqué les purges massives engagées après le putsch avorté, ainsi que les arrestations de dirigeants de l'opposition prokurde, d'intellectuels et de journalistes. Ils sont aussi inquiets du possible rétablissement de la peine de mort, évoqué par M. Erdogan, une «ligne rouge» à ne pas franchir pour l'UE. L'Autriche, pays européen le plus critique envers Ankara, a une nouvelle fois plaidé pour un gel formel des négociations d'adhésion, entamées en 2005 mais au point mort depuis des années. «Je pense qu'il est tout à fait mauvais de maintenir cette fiction d'une adhésion (à l'UE) alors que la Turquie s'éloigne davantage de l'Europe chaque année», a martelé son ministre des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, en arrivant à La Valette. «Nous avons finalement besoin d'une décision claire au niveau européen», a insisté M. Kurz. Mais «depuis le référendum, la Turquie comme nous la connaissions avant, la Turquie libre, pro-occidentale, la Turquie de l'Etat de droit est morte, et donc de fait, le processus d'adhésion aussi», a constaté le ministre luxembourgeois Jean Asselborn. Rappelant les «inquiétudes» des Européens, son homologue français Jean-Marc Ayrault a précisé qu'il réclamerait «des clarifications» lors d'une réunion prévue hier après-midi avec le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu. «En même temps, il faut parler avec la Turquie», a-t-il plaidé, citant des domaines de coopération cruciaux aux yeux des Européens, comme l'économie, «mais aussi des questions sur les réfugiés, sur le terrorisme». L'UE «dépend» de la Turquie pour la mise en oeuvre de l'accord sur les réfugiés conclu en mars 2015 pour mettre fin à la crise migratoire, a rappelé le ministre hongrois Peter Szijjarto. Si Ankara cesse de coopérer, «nous courons le risque d'avoir des centaines de milliers, des millions même, de migrants» tentant de rallier l'Europe, a-t-il averti. Certaines capitales réfléchissent à «développer de nouveaux formats de discussion», selon M.Gabriel. L'UE veut appâter Ankara avec une modernisation de l'Union douanière, l'accord conclu il y a vingt ans étant aujourd'hui complètement dépassé. «Il faut le garder par dévers nous comme un levier», a souligné M.Ayrault. Par ailleurs, «ce qui intéresse encore la Turquie, c'est le tourisme, le potentiel économique» des marchés européens, a estimé M.Asselborn, «je ne peux m'imaginer (...) que nous leur donnions gratuitement».