La Turquie a protesté lundi auprès des ambassadeurs de l'Union européenne à Ankara contre les critiques de leurs pays au sujet des purges menées depuis le putsch avorté de juillet, a indiqué un ministre turc. Ces critiques se sont amplifiées ces derniers jours après l'arrestation vendredi d'une dizaine de députés du principal parti prokurde de Turquie, le HDP, dont ses deux chefs. Cette nouvelle passe d'armes intervient avant la publication attendue aujourd'hui d'un nouveau rapport d'étape de l'UE sur le processus d'adhésion de la Turquie et qui, selon la presse allemande, devrait épingler Ankara sur la question de la liberté d'expression. Nous leur avons fait part (aux ambassadeurs) de notre malaise au sujet des positions prises par l'UE, a déclaré à la presse le ministre des Affaires européennes Omer Celik après avoir convoqué les ambassadeurs des pays de l'UE en poste à Ankara pour un entretien. Nous traversons une période très fragile dans les relations entre la Turquie et l'UE. S'opposer en permanence à la Turquie n'est pas la bonne politique, a-t-il ajouté. La Turquie négocie depuis des années son adhésion au bloc européen mais les tractations sont actuellement enlisées. Ankara attend dans l'immédiat une suppression de l'obligation de visa pour ses ressortissants à l'entrée dans l'UE, dans le cadre du pacte conclu avec l'UE pour freiner l'afflux des migrants vers l'Europe passant par son territoire. Mais les discussions sur ce point sont également très difficiles. M. Celik a de nouveau reproché à l'UE ce que Ankara perçoit comme un soutien insuffisant après le putsch avorté contre le président Recep Tayyip Erdogan à la mi-juillet. Il est inacceptable que certains de nos amis européens disent en une seule phrase qu'ils nous soutiennent puis émettent neuf phrases de critiques, a-t-il dit. Ankara accuse le prédicateur musulman exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen d'avoir fomenté la tentative de coup d'Etat, ce que l'intéressé dément catégoriquement. Les purges ressemblent aux méthodes nazies M. Celik s'est en outre insurgé contre des déclarations à une radio allemande du ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn dans lesquelles celui-ci a dressé un parallèle entre les purges en Turquie et les méthodes nazies. Ces déclarations reflètent un manque de connaissances historiques. Le combat actuel de la Turquie rappelle, bien au contraire, celui livré contre les Nazis après leur arrivée au pouvoir, a-t-il dit. Comparés à FET (le réseau guléniste), les Nazis apparaissent comme des apprentis ou des élèves d'une école primaire, a-t-il ajouté. Lundi, le ministre autrichien des Affaires étrangères a émis le souhait de voir l'UE durcir le ton vis-à-vis d'Ankara en réaction aux purges et renoncer au versement des milliards promis si le pays ne respecte pas son accord migratoire avec Bruxelles. Sebastian Kurz a appelé à ce que la Turquie soit mise à l'ordre du jour d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE prévue lundi prochain, souhaitant une politique européenne différente sur le sujet. A Strasbourg, un porte-parole de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a affirmé que cette dernière était confrontée depuis environ deux semaines à un afflux sans précédent de plaintes émanant de Turcs visés par les purges. Nous en sommes à plus de 40.000 requêtes. C'est un afflux énorme, inattendu et inédit, a dit ce porte-parole, précisant toutefois qu'on ne sait pas encore quelle proportion seront considérées au final comme recevables.