Le gouvernement marocain a-t-il peur du développement du cinéma dans les pays voisins comme l'Algérie et la Tunisie? C'est en tout cas ce qu'on peut comprendre suite à l'étonnante décision annoncée par le gouvernement marocain qui a adopté un projet de décret instituant une subvention pour les productions cinématographiques étrangères tournées au Maroc, avec comme objectif de tripler leur nombre. Cette mesure fiscale adoptée jeudi dernier permettra aux sociétés de production de récupérer 20% de leurs dépenses occasionnées lors du tournage d'un film ou d'une série au Maroc, a expliqué le directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), Sarim Fassi-Fihri, ancien producteur et patron d'un studio privé loué aux productions européennes à l'année. D'après lui, ce «financement direct» est valable pour les investissements «d'au moins 10 millions de dirhams (900.000 euros) sur les films, séries et téléfilms. Pour l'instant, on n'est que sur de la fiction». Dès l'entrée en vigueur de cette mesure, à compter d'octobre «au plus tard», les représentants marocains du secteur espèrent ainsi «tripler le nombre de productions» sur le sol marocain. C'est une bonne nouvelle pour les producteurs marocains qui tend à faire face à la concurrence des studios tunisiens, notamment ceux de Tarek Benamar qui a absorbé la majorité des productions arabes cette année. Le porte-parole du gouvernement marocain, Mustapha El Khalfi, s'est félicité de l'adoption d'un dispositif qui aura «un impact sur l'image du Maroc à l'international, l'attraction des investissements étrangers dans le domaine et les opportunités d'emploi». En réalité, le Maroc qui fait face à une baisse des producteurs étrangers et surtout à l'arrêt de son festival international de Marrakech qui attirait de nombreux producteurs américains et européens, pour les convaincre de tourner au Maroc. Cette mesure marocaine intervient aussi suite aux déclarations du Premier ministre Abdelmadjid Tebboune, qui avait annoncé devant les députés sa volonté de relancer l'industrie du cinéma en Algérie. Depuis quelques années et suite à la concurrence des pays comme la Tunisie, la Jordanie et l'Espagne, qui a besoin de relancer son tourisme culturel, les Marocains se sont tournés vers des pays très lointains comme la Chine et l'Inde pour faire des coproductions. Une vingtaine de longs-métrages étrangers et une quinzaine de séries télévisées ont été tournés au Maroc en 2016, pour des investissements d'environ 28 millions d'euros, avec des productions essentiellement anglaises, françaises, allemandes, indiennes, italiennes et américaines, selon le CCM. Aux portes du désert, la ville de Ouarzazate est de longue date une destination prisée, notamment pour les grosses productions américaines, grâce à ses nombreux studios cinématographiques. Le Maroc, dont les paysages grandioses ont servi de décor à de nombreux films à succès comme Lawrence d'Arabie, Gladiator ou L'homme qui en savait trop, fait toutefois face à une crise du secteur avec des salles de cinéma désertées et une production locale qui peine à s'exporter. Afin de valoriser sa production, le Maroc compte sur ses nombreux festivals, plus de 35, pour booster le secteur. [email protected]