Proposant une nouvelle fois le dialogue, le président séparatiste catalan a refusé hier de répondre clairement à l'ultimatum de Madrid qui lui a accordé un dernier délai jusqu'à jeudi matin pour dire s'il compte, oui ou non, déclarer l'indépendance de la Catalogne. Sommé par le gouvernement espagnol de préciser sa pensée, Carles Puigdemont a écrit dans son courrier envoyé par fax que sa priorité était le «dialogue pour les deux prochains mois» et demandé une réunion en urgence avec le Premier ministre Mariano Rajoy. Il a souligné que le «mandat démocratique» confié par le peuple catalan au parlement de Catalogne, «déclarer l'indépendance», était «suspendu», ce qui démontrait sa «ferme volonté de recherche d'une solution et d'éviter l'affrontement». Mais Mariano Rajoy avait réclamé une position claire pour hier et averti que, faute de réponse satisfaisante, le gouvernement pourrait appliquer l'article 155 de la Constitution permettant, une fois votée au Sénat, la suspension totale ou partielle de l'autonomie de la Catalogne. Trois heures après la réception du texte de M. Puigdemont, Madrid a accordé un ultime délai de trois jours, jusqu'à jeudi 10h00 (8h00 GMT) pour «clarifier sa position» et revenir dans le droit chemin. «Nous espérons que dans les heures qui viennent (...) vous répondrez avec la clarté que tous les citoyens exigent», écrit M. Rajoy. «La persévérance dans la confusion est incompréhensible», avait déclaré un peu plus tôt la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria. Mardi 10 octobre, devant le Parlement catalan, Carles Puigdemont avait estimé que les résultats du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre lui donnaient le droit de déclarer l'indépendance, avant de proposer aussitôt de «suspendre» cette déclaration. Dans sa lettre d'hier, il semble préférer une nouvelle fois de jouer la montre, en appelant encore à la discussion. «Pendant les deux prochains mois, notre principal objectif est de vous amener à dialoguer», a-t-il écrit à Mariano Rajoy. Jusque-là, Madrid a catégoriquement refusé tout dialogue tant que les séparatistes ne lèvent pas leur menace de déclarer unilatéralement l'indépendance, ce que M. Puigdemont n'a pas fait. Bien que la société catalane soit divisée presque à parts égales sur l'indépendance, les séparatistes légitiment leur projet d'indépendance par le référendum du 1er octobre qu'ils affirment avoir remporté avec 90% des voix et 43% de participation. Ce scrutin a entraîné la plus grave crise politique en Espagne depuis le retour de la démocratie en 1977 et la suspension de tout ou partie de l'autonomie de la Catalogne serait une mesure encore jamais appliquée en Espagne depuis la dictature de Francisco Franco (1939-1975). Beaucoup craignent qu'une telle mesure n'entraîne des troubles en Catalogne, une région de 7,5 millions d'habitants grande comme la Belgique, très attachée à sa langue et à sa culture. «Nous voulons parler, comme le font les démocraties établies, sur le problème posé par la majorité du peuple catalan qui veut commencer son chemin en tant que pays indépendant dans le cadre européen», écrit encore M. Puigdemont en se fondant sur le référendum. Le leader séparatiste était soumis à une énorme pression ces derniers jours, émanant des deux camps: pro et anti-indépendance. Le gouvernement espagnol, les dirigeants européens et les milieux d'affaires l'ont appelé à faire marche arrière, alors que des centaines d'entreprises ont commencé à fuir la région. M. Rajoy ne veut pas entendre parler de médiation et les Etats membres de l'Union européenne l'écartent aussi pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore des sécessions possibles à travers l'Europe. Les alliés de M. Puigdemont et les puissantes associations séparatistes, à l'inverse, l'encouragent à aller de l'avant pour proclamer sans équivoque la naissance de la «République de Catalogne». La réponse ambiguë de M. Puigdemont risque notamment de provoquer la colère du petit parti d'extrême-gauche de la CUP, allié indispensable du président catalan au Parlement régional. «Le CUP aurait fait une lettre très différente», a réagi la députée de la CUP, Mireia Boya. La perspective d'une sécession a poussé des centaines de sociétés à déplacer leur siège social hors de la région qui compte pour 19% du PIB. La menace des poursuites judiciaires pèse aussi sur les leaders séparatistes.