Les uns veulent aller vite pour proclamer l'indépendance alors que les autres temporisent pour ne pas aggraver la crise ouverte avec Madrid. «La déclaration d'indépendance est prévue dans la loi de référendum, dans le respect des résultats. Et nous appliquerons ce que dit la loi.» Carles Puigdemont, le président catalan, a été clair dans l'interview diffusée sur la chaîne publique catalane TV3, dimanche 8 octobre : il ne reculera pas. Plus d'une semaine après le référendum sur l'indépendance organisé le 1er octobre en Catalogne, M. Puigdemont pourrait déclarer l'indépendance, mardi 10 octobre, devant le Parlement régional. A la suite de la publication des résultats définitifs, il a en effet demandé de s'adresser aux députés pour les «informer de la situation politique actuelle», une formulation floue visant à empêcher la suspension de la séance par le Tribunal constitutionnel, comme cela s'est passé pour la session d'abord prévue lundi. Franchira-t-il le Rubicon en proclamant la sécession ? La pression augmente sur le président catalan pour qu'il fasse marche arrière. Après un vent de panique en bourse, des banques (CaixaBank et Sabadell) et de grandes entreprises (Agbar, Gas Natural...) ont déménagé leur siège social hors de la région catalane ces derniers jours. Les principaux médias d'Espagne et de Catalogne multiplient les éditoriaux contre la possibilité d'une déclaration unilatérale, comme La Vanguardia de dimanche qui demande d'«éviter le drame». Conséquences imprévisibles Enfin, des voix se font entendre au sein même du mouvement indépendantiste pour demander une «trêve» visant à «donner une dernière chance au dialogue», comme l'a dit le ministre régional de l'entreprise, Santi Vila, dans une tribune publiée jeudi par le quotidien catalan Ara. Tout en soulignant qu'une déclaration unilatérale d'indépendance serait «compréhensible», il demande de ne pas se précipiter car «elle supposerait la suspension immédiate du gouvernement, la possible arrestation de ses promoteurs et, plus grave encore, le début d'une spirale de manifestations et de conflits dans la rue». Les séparatistes étaient convaincus que l'Union européenne interviendrait avant d'en arriver là, et se poserait en médiateur. En l'absence du moindre geste bruxellois, des discussions ont opposé la semaine dernière ceux qui veulent, au sein de la famille indépendantiste, aller sans tarder vers la déclaration d'indépendance, comme prévu à l'origine, et ceux qui hésitent, pris de vertige face à une initiative aux conséquences imprévisibles. Dimanche, la porte-parole du Parti démocratique de Catalogne (PDeCAT, droite nationaliste), Marta Pascal, de l'aile modérée, a laissé entendre qu'une solution aurait été trouvée pour concilier les deux lignes : M. Puigdemont pourrait se contenter d'une déclaration d'indépendance symbolique, suivie d'une période plus ou moins longue de tentatives de négociation avec l'Etat, «pour faire les choses bien». Mais elle s'est fait aussitôt corriger par le parti d'extrême gauche anticapitaliste et révolutionnaire Candidature d'unité populaire (CUP), la formation la plus déterminée à aller jusqu'au bout. «Il n'y a pas de déclaration rhétorique possible après les deux millions de voix défendues avec notre corps le 1er octobre. Ce serait légitimer la violence policière que de se rendre», a écrit la députée régionale, Mireia Boya, sur Twitter. «Voir s'il existe une possibilité de dialogue avec l'Etat» Pour les «modérés», il ne s'agit pas de renoncer à l'indépendance, mais de l'appliquer graduellement, afin de «voir s'il existe une possibilité de dialogue avec l'Etat espagnol», explique Joan Ramon Casals, député régional de PDeCAT, qui résume l'alternative privilégiée par les indépendantistes : «Négocier l'organisation d'un référendum, en accord avec Madrid, ou négocier les termes de l'indépendance.» «La déclaration d'indépendance, nous avons promis de la faire et nous la ferons, mais il faudra voir quels seront les effets pratiques, reconnaît aussi un dirigeant de la Gauche républicaine catalane (ERC), Il faudra donc nous battre pour le contrôle effectif de l'économie, de l'administration, de la police catalane, des impôts...» M. Rajoy a déjà annoncé qu'il n'acceptera pas «une déclaration d'indépendance en différé».